Dans le cercle de la construction fonctionnelle des « années berlinoises » d’avant (1933, le processus de conception se rationalise. Sous l’influence de Hugo Hâring, l’idée de « construction organique » a pu se préciser : les exigences de nature matérielle et spiri-tuelles arrivent à un compromis. L’expression élève le but sans utiliser des moyens formels .9.r) dehors de la structure organique qui assemble les éléments en un ensemble fonctionnel. Un des résultats les plus importants des travaux de Scharoun est qu’il dépasse la pensée fonctionnelle des années 30, qui constituait une phase de dépouillement nécessaire, par une création artistique de l’espace, et il parvient à une richesse et une liberté plus grandes dans la disposition de ses constructions non pas par des décorations ou des ornements, mais ‘grâce à des moyens morphogéniques. C’est pourquoi Scharoun est aussi un des rares architectes actuels qui semble réussir â trouver une solution adaptée à notre époque pour les constructions culturelles. La construction, acte « politique ». Dans le rapport de tension entre l’homme et l’espace dans lequel s’effectue le travail de l’architecte, tels que le conçoit Scharoun, l’acte de construire devient un acte moral « politique ». C’est à l’architecte de diriger l’influence exercée sur nous par l’espace où pous habitons, travaillons et dormons de façon à ce que celle-ci devienne une force posi-tive. Ce qui pourrait sembler une philosophie de l’architecture détachée des faits, est en réalité une pensée nettement réaliste qui tient compte des traditions, comprend l’univers concret et engage l’avenir. On comprend pourquoi Scharoun s’attache surtout aux problèmes de logement, que ce soit la maison individuelle, l’immeuble ou le grand ensemble, mais toujours en rapport avec l’unité plus grande de l’espace urbain (qui peut aussi être du type villageois, comme le montre l’exemple d’Helgoland). On comprend également pourquoi Scha-roun est fasciné par le thème de la construction scolaire et du théâtre en tant que créa-tions tendant au développement de la conscience, dans un sens large et représentant un lien entre les sphères individuelle et collective. Des notions telles que « Wohnzelle » (cellule d’habitation), « Wohngehitift » (parc d’habitation), « Schulschaft » (collectivité scolaire), Klassenwohnung » (collège à l’anglaise) prévoient cette harmonie qu’il est tellement né-cessaire de rétablir entre le mode de vie et l’époque, telle qu’elle s’est conservée par exem-ple dans la représentation des cités du Moyen Age, auxquelles Scharoun se refère cons-tamment. Ces définitions lui offrent un étalon pour déterminer la nature de la sphère indivi-duelle, de la sphère collective, pour la formation des centres pour les concentrations et es dimensionnements, pour la fonction des artères de circulation à la fois éléments de séparation et de liaison à l’intérieur du périmètre urbain. La campagne du Syndicat des Travailleurs Allemands contre la « grande destruction de la nature », c’est-à-dire contre l’épuisement et l’emprisonnement des sources naturelles de la vie : l’air, l’eau, la forêt, la terre, pourrait être issue des conceptions de Scharoun concernant l’aliénation des campagnes par des constructions foisonnantes, mal conçues et aides. C’est à cette perspective inéluctable de l’avenir que faisait allusion Wolfgand Schneider quand il prévoyait le développement futur du paysage allemand en un quadrilatère uni-forme de lotissements. s Dans le texte explicatif du projet de théâtre municipal de Kassel Scharoun résume es résultats de son analyse de l’espace urbain de cette ville, dans le passage suivant qui peut constituer le thème directeur de toute son oeuvre projetée ou réalisée : « // incombe en premier lieu au créateu- de dresser un inventaire, de déterminer les constantes du paysage et les incorporer largement dans le plan, de prendre en considération l’es constructions actuelles ou projetées, composer un complexe organique vivant avec les parties de la ville dignes d’être conservées et les ensembles nouveaux, étudier la différen-ciation du réseau de communications et sa fonction au service de ce complexe… de cette façon les données essentielles se dégageront d’elles-mêmes. La position de départ technico-Fonctionnelle, permettant de relier organiquement ce qui existe à ce qui doit être créé est 9insi définie. La voie de la vision intuitive se trouve alors dégagée… » Hans Scharoun et Berlin. Lorsque, au cours de l’automne dernier, je rendis visite à Hans Scharoun, l’oppression due au « Mur » s’était étendue sur Berlin. Ce fut également le sombre présage d’une se-ponde coupure subie par son travail par suite d’un développement politique, car celui-ci a êté depuis toujours consacré tout spécialement à cette ville. L’interdiction de la tendance « Neues Bauen » (architecture nouvelle) par suite de l’instauration du régime hitlérien avait également affecté l’activité de Scharoun. En 1933 j1 se trouvait au seuil d’une grande carrière, mais alors que la plupart de ses amis et asso-ciés cherchaient un nouveau départ dans l’émigration — citons entre autres Gropius, Mies t✓an der Rohe, Hilbers Heimer ou Mendelsohn — Scharoun resta en Allemagne, à Berlin, )u toute activité professionnelle, à part quelques commandes privées de petites villas dans a ville et ses environs, fut suspendue et lui fut même interdite. Il se réfugia dans la médi-ation sur la signification spirituelle de l’architecture, dans des projets et des visions, mais i3ans aucun espoir de réalisation. Sans compromis il continua à développer sa théorie de la ,« construction organique » ; lorsque l’on considère aujourd’hui les pages et croquis qui prirent laissance à cette époque, on a peine à concevoir quels explosifs Scharoun amassait ainsi :  »Architecture comme un témoignage de liberté intellectuelle et d’indépendance. Extrait d’une étude parue dans Zodiac 10, 1962.) Margit Staber. 9 FIND ART DOC