que chose semble germer, quelque chose qui sem-ble avoir renoncé au mutisme sans avoir égale-ment perdu sa force d’agression. Enfin sur les murs du Guggenheim, couronnant l’exposition de la Peinture . Systémique », dont nous parlons dans ce numéro, mais sans que cette cohabi-tation ne profite ni aux uns ni aux autres, l’Hourloupe de Dubuffet semble descendre les rampes supérieures comme quelque dragon chinois, du jour de l’an, joyeux et montrant ses dents, tant est vivante cette peinture qui n’a jamais cessé d’exprimer l’époque en s’y adaptant mais aussi en lui donnant forme. S’il fallait pour se convaincre de la vitalité de Dubuffet, le voir sur les murs du Guggenheim, la jeunesse à ses pieds, il semble que sa jeunesse a, elle, le poids d’un choix, le choix qu’accorde le droit d’aînesse à ses élus. L’art du motif, Pattern Art, ainsi s’intitula l’exposition destinée à célébrer les vingt ans d’existence de la Galerie Betty Parsons. On sait que Betty Parsons découvrit tous ceux qui de-vaient devenir les gloires de l’Ecole de New York. Mais, préférant comme toujours souligner son goût de l’aventure et de l’avant-garde, elle préféra présenter l’oeuvre récente de ceux qui soulignèrent dès leur début les nouvelles ten-dances actuelles. C’est ainsi que nous trouvons l’oeuvre de Enrico Castellani, Paul Feeley, dont on déplore la disparition, Lyman Kipp, Alexan-dre Liberman, Robert Murray, Robert Smithson, Richard Tuttle et Jack Youngerman. C’est l’oc-casion de nous rappeler que le Hard Edge de Ellsworth Kelly (maintenant chez Sidney Janis) y est né et que ses poulains figurèrent en force à l’exposition d’Art « Systemic » au Guggenheim. Liberman, autrefois « géométriste » semble s’être ingénié à renverser sa vapeur : précisioniste faisant exécuter le travail au moyen d’épures (on se rappelle ses cercles noirs sur fond blanc), il est passé à une nouvelle forme d’abstraction lyrique monochro-me aussi lyrique dans ses harmonies som-bres que, dans le même ordre de rapport coloré, ne l’est Reinhardt qui veut s’approcher d’un purisme idéal et qui (toujours dans cette gale-rie) imposa la discipline du lyrisme. Pour terminer ce tour d’horizon de l’art à New York, signalons qu’une revue vient de naî-tre « 57′ Rue ». Rédigée par Jock Truman, elle recherche à remédier à la carence du manque de place accordée dans les quotidiens à la critique d’art. Il s’agit là, effectivement, d’une critique d’art à la fois mesurée et engagée, et peut-être d’autant plus mesurée qu’elle est engagée à la recherche du pourquoi de l’expression et non pas d’en évaluer les mérites, puisqu’une critique contradictoire est acceptée pour chaque exposition importante. Quant à l’exposition Steinberg, que se par-tagent les galeries Betty Parsons et Sidney Janis, on y trouve tout ce qui rend l’oeuvre de Steinberg infiniment contemporaine à tous les carrefours, calligraphique comme l’abstrac-tion lyrique dans ses diplômes, soignée d’exé-cution comme les géométristes. Il semble que les dessins et l’humour de Steinberg marquent d’un sceau essentiellement universel une pensée plastique américaine d’une part et cosmique de l’autre. Steinberg est le poète de l’absurde et le calligraphe de l’humour. Colette ROBERTS. N’entrant pas dans le cadre du numéro spécial sur les U.S.A., mais s’y rattachant, nous aimerions pou-voir nous étendre sur la très belle exposition d’art japonais contemporain au Musée d’Art Moderne que l’on doit au choix des conservateurs Dorothy Miller et William Liberman. Ces artistes parlent de leur temps avec l’accent américain, certes, mais ils ne manquent ni de vigueur, ni d’un sens d’esthétique propre à leur culture. Ce qui frappe, c’est une forme d’étiquette » surprenante, comme si la technique des coulées de laves colorées à la Pollock était née au cours d’une cérémonie du thé. LE NOUVEAU MUSEE WHITNEY ET 300 ANS D’ART AMERICAIN. Un grand Cyclope domine maintenant les hôtels particuliers de la 75′ rue et se tient en retrait à l’ombre des gratte-ciels de la Madi-son Avenue. C’est le nouveau musée Whitney (*) que nous devons à l’architecte Marcel Breuer et aux facilités des nouvelles techniques, et des nouveaux éclairages, un château fort du XX’ siè-cle pour abriter les collections du musée et permettre les grandes expositions rétrospectives et celles de salons annuels révélateurs des derniers mouvements, des dernières tendances. Le vernissage du musée et de l’exposition inau-gurale — L’Art Américain de 1670 à 1966 —marqua en quelque sorte le début de la saison new yorkaise. Cet exposé très complet de cer-taines oeuvres clés d’époque nous met en pré-sence de trois siècles d’histoire de l’art amé-ricain dont nous ne pouvons souligner ici que quelques aspects, et tout particulièrement ceux d’un passé dont nous retrouvons quelques échos aujourd’hui, ou qui nous intéressent lorsque comparés à l’évolution de la peinture européenne de cette époque. On connaît l’importance du portrait dans l’art de l’Amérique coloniale où l’artiste reprenait, avec plus ou moins de bonheur, les techniques des maîtres des Pays-Bas ou de l’Allemagne. (On pense souvent à un Cranach maladroit.) Par ailleurs, le portrait officiel empruntait volontiers son formalisme aux peintres du Grand Siècle. Bien des peintres autodidactes et itinérants étaient aussi peintres d’affiches et tous souli-gnaient volontiers l’énergie un peu fruste de ces vaillants défricheurs, leur donnant pour nous une étrange présence. Celle-ci s’imposera encore lorsque les peintres qu’un séjour en Europe avait initié aux techniques traditionnelles apportèrent leur témoignage, dans le portrait des patriciens et hommes d’Etat. C’est ainsi que Gilbert Stuart (1755-1828) est aussi différent de Gainsborough que John Singleton Copley (1138-1815) peut l’être de la tradition davidienne. L’école américaine était déjà née, sans s’être véritablement désirée telle alors. Les paysagistes, au contraire, les peintres de l’Hudson River, se targuent de ne rien devoir qu’à leur pays d’origine et si Cole (1801-1848) est un excellent exemple de cette école, ce n’est pas tant le caractère intrinsèque d’un paysage qui le tente mais sa généralité, le sen-timent de l’énormité du continent américain dont il peint une fraction et dont il importe de donner l’échelle par la petitesse de l’homme chaque fois qu’il apparaît. On pense à Poussin, à Horace Vernet, jamais à Corot. Le véritable paysagiste du type de l’école de Barbizon — et qui, par ailleurs, s’attacha à décrire le geste humain à la manière d’un instantané photo-graphique — fut Thomas Eakins (1844-1916). C’est qu’il eut pour le servir un sens inné de la lumière qu’il sut traduire avec une palette sensible et par l’observation poussée de son sujet. Rien d’a priori chez Eakins. Sa baignade dans la rivière, « Swimming Hole », nous le pré-sente comme un réaliste, et ici se mêle paysage et geste. Quant au < Early Morning, Toppon Springs » de George Inness (1825-1894), on y trouve la délicatesse de Corot et la pâte riche de Courbet, verdure fraîche s'il en fut. Autre Inde-pendant, Winslow Homer (1836-1910), dont la peinture de genre nous intéresse peu mais qui trouve parfois une simplicité dans l'accent (« Chasse au Renard ») qui permet à la pein-ture de l'emporter sur l'anecdote. Quant aux savoureuses nature-mortes de William Harnett (1848-1892), maître du Réalisme Magique, dont le trompe l'oeil lui acquit toujours tous les suf-frages, ce n'est pas une réédition des Flamands comme il l'eut aimé, mais par le détail roman-tique, historique et souvent désuet, une pâte à la Holbein il éveille notre nostalgie. On comprend la rébellion des « Huit » 1908, devant le conventionalisme des académiciens et leur refus de voir tout ce qui n'était pas paradisiaque. Mais si les « Huit » (Ashcan group), furent séduits par le sordide, par réaction, chacun avait érigé un système où la recherche plastique du réel avait peu de place. Rete-nons particulièrement la riche vitalité de Robert Henri, à la Franz Hals, et la touche sensible (bien dépassée) de John Sloane s'attendrissant sur le pittoresque de la pauvreté des bas quar-tiers. Prendergast (1859-1924), impressionniste du groupe, évoque les Nabis en tapisserie. C'est le moment de se rappeler que la grande peinture n'a pas de patrie, Whistler (1834-1903) est le Manet américain, comme Mary Cassatt (1845-1926) son Degas, un Degas fortement teinté de Renoir. Childe Hassam, lui a pris la Lettre de l'Impressionisme. Le plus grand Soloist de cette période, à facture unique, est certes Ryder (1847. 1917). Ses marines ont le lyrisme de Redon, la couleur de Daumier, les empatements de Courbet, mais cette synthèse est sienne à toutes ses étapes. Joseph Stella, dont tout le monde connaît le Brooklyn Bridge, nous est présenté ici par une « Bataille de Lumières, Coney Island » (qui nous confirme son actualité en 1913) où il se fait l'écho du cubisme comme du futurisme pour offrir sa forme de constructivisme. Puissant et pourtant sensible, il partage avec le post cubiste et puriste Sheeler (1883-1965) les paysages indus triels et ce dernier faisant de ceux-ci des ca dences d'architecture, « Architectural Caden ces ». On se rappelle que l'Art Moderne d'Europe fut introduit en Amérique par le photographe Stieglitz et sa galerie expérimentale où il fit connaître Matisse en 1908 (Stieglitz devait aussi être à l'origine de la réputation de Georgia O'Keefe et de John Marin, ses héros). Mais ce fui la fameuse Armory Show de 1913, qui souligna l'existence de l'art moderne au public de ce pays. Il est curieux de penser que l'art moderne américain dut son droit de cité à la grande crise économique de 1932, parce que l'artiste quelqu'il soit fut chargé de commandes de gouvernement (W.P.A.). Cette forme d'indemnitÉ de chômage permit à tous de survivre et à cer tains de se faire connaître. Même si tempo rairement il en résulta un régionalisme, et une forme d'illustration comme chez Thomas Benton et bien d'autres, un pas fut franchi qui devait amener par réaction la création du groupe American Abstract Artists » en 1934-1935. L'excellent choix des exemples que nous trou. vons ici est imputable aux historiens de l'Art Américain qui régissent les destinées du mu. sée. On connaît les écrits du directeur Lloyd Goodrich, comme ceux du directeur-adjoint John Baur. Ils ne traitent pas des mêmes périodes, mais c'est avec soin que chacun apporte sa pierre à l'édifice comme plus récemment, et dans le domaine le plus contemporain, le conservateur John Gordon. Félicitons M. Good rich d'avoir entre ses mains, et de l'avoir choisi, un des musées qui peut ajouter à la connais sance, le plaisir d'un séjour prolongé. Il est frappant de voir, au cours de cette visite, combien l'art américain oscille entre deus pôles : le refus de l'étranger et la recherche de l'étranger comme point de départ vers di nouvelles explorations. Il semble qu'après 1941 on assiste à la fusion de ces éléments. D'uni part, l'artiste américain n'a plus à rivaliser avec celui d'Europe, l'émigration due à l'occupatkx amène sur ces rivages Léger, Mondrian, Ma Ernst, etc. Ce ne sont plus des rivaux, mais de amis. L'évolution est née partiellement de ce échanges. Nous le voyons chez Gorky, Gottliel s'y réfère. Par ailleurs, l'influence de l'Orien fuse dans la calligraphie de Mark Tobey et dans l'espace méditatif de Rothko. Quant aux mouvements Pop et Op et de l'abstraction nouvelle, nous nous en somme fait l'écho depuis 1961 (Lettres de New York). Passons à la sculpture. On entre dans musée par un pont au-dessus d'une cour-jardi où elle est emprisonnée. Calder, Lipschitz, Lip ton, Lippold, Marisol, Nevelson, Smith, Selo nous font signe, comme aussi Stankiewicz Campbell, Chamberlain, Bontecou, Mark di Su vero, David Hare, Nakian et tant d'autres. E n'oublions pas Cornell qui nous emmène dan ses boîtes à rêve, magicien parfait. Un caractère intime surprend dans cette cita delle-sanctuaire. L'absence de fenêtre contribu peut-être à nous faire apprécier ce séjour dar l'intimité d'oeuvres aussi diverses que le si qui les vit naître. Diversité bien symptomatie que les deux premières rétrospectives prévue pour 1967 offertes à des artistes aussi différent que Andrew Wyeth, qui chante les saisons et I terre, pelée et dure à l'aide d'un métier ql s'apparente parfois au trompe et Louis Nevelson, sortie du cubisme qui crée un mond où le totem évolue en constructions à rima; des merveilles de la ville et permet les jeu de l'espace. Nevelson jongla avec la lune avar les astronautes. 1. Lee Bontecou. Untitled. 1966. Leo Castelli. 2. Jim Bine. Green Table and Chairs. 1966. Sidney Janis Gallery. 3. Jce Raffaele. Modo Pacre. 1366. Stable r ler Dallegret. La Machine. Waddell Gallery. 5. Enrique Castro-Cid. Motorized construction . 1965. Richard Feigen Gallery. 6. James Seawright. Dame. 1966. Ste _ se Rivers. 8. Robert Indiana. Multiples. 9, 10. Whitney Museum of American Art. Photos R. Burckhardt, J.D. Schiff, J. Taylor, G. Clamants, E. Stoller. 182