George Deem. Washington with calligraphy. 1964. Atlan Stone Galleries, New York. Ray Johnson. Comb. 1966. Willard Gallery, New York. SUZi Gablik. Movie. 1964. Alan Gallery, New York. Peter Dechar. Untitled. 1966. Cordier et Ekstrom, New York. Photos G. Clements, Pourtant il existe d’autres peintres également à la recherche du silence, plus particulièrement inspirés d’un para-surréalisme. Mais comme dans toute époque où joue le symbolisme, un regard nostalgique s’excuse par l’ironie de prendre comme « objet trouvé » le chef-d’oeuvre reconnu. Le jeune George Deem nous offre un « Washington » très Stuart et bien d’autres, qu’il inclue dans des peintures en les accommodant à son style, sorte d’invitation au voyage dans le temps. Ses repro-ductions de la « Calèche , de Degas, et bien d’autres répétées à plusieurs exemplaires s’accompa-gnent d’une calligraphie qui simule si bien l’écriture qu’on est surpris de voir que les lettres se succèdent sans que jamais un mot ne soit formé. La même surprise existe dans les textes de rêve de Robert Reid « X-0 games » et le « Jeu des heures » (G.C.M.) où les symboles et lettres sont essentiellement plastiques. Même si elles évoquent les luttes fratricides, elles ont la dignité d’un grand silence tombal, ceuvr3 remarquée au Festival de Dakar. Si les variations sue’ le thème du pays d’Erèbes emploient le photo-montage comme élément figuratif devant créer un « environ-ment », John Day nous guide dans ses mythes de l’antichambre de l’enfer. Ce ne sont pas là des visions Dantesques destinées à nous effrayer, mais plutôt une espèce de rendez-vous avec des personnalités de temps révolus, geste nostalgique. Ses personnages sont découpés dans des journaux d’époque recouverts en sorte de les faire rentrer, mais pas tout à fait, dans les murs d’une chambre unique, dont on voit l’orifice carré s’ouvrant sur un ciel de Grèce. C’est un de ces gestes à la recherche du silence dont nous voulons signaler l’existence ici. Silence égaiement, mais celui de l’herbier, des images, neuves mais point nécessairement désirables, celles de Raffaele. Il a renoncé au collage des photos pour rivaliser avec celles-ci au moyen d’un réalisme illustratif et choisit de ne nous en présenter que des morceaux coupés comme collés sur la toile blanche en faisant du vide un élément pictural et de la figuration un symbole presque toujours phallique. Autre emploi de la photographie, mais sur-réel cette fois, Suzi Gablik, dont l’image est faite en sorte qu’on ne sache cù commence la photo et où finit la peinture. Il s’agit là d’une espèce de trame vivante où le réel se tricote en quelque sorte avec la fantaisie la plus échevelée et grâce à un métier de miniaturiste. Par ce tissage, l’exotisme voisine avec l’absurde et l’histoire, rêve ou cauche-mar, et devient univers de proifération rythmée par un sens précis des nécessités de l’image. Métier de miniaturiste également, bien que ses toiles atteignent aussi des dimensions courantes, Ray Johnson, dont l’imagerie n’emprunte rien, ni au Pop Art, ni au réalisme d’aucune sorte, ni à l’abstraction géométrique, mais grâce à l’assemblage, au collage plutôt, il construit ses images à la manière dont une abeille fait sa ruche. On pense dans le détail à des cailloux bien polis et bien plats, soudés les uns aux autres, à la manière des jeux de construction d’enfants, mais dont chacun des élé-ments est à soi seul une peinture, chacun peint avec une délicatesse infinie comme si le pin-ceau amoureux de la matière gardait un rapport aimanté avec la surface peinte. Récemment, lui aussi se sert du blanc, ou plus exactement du fond naturel, créant des espaces intersticiels, d’autant plus grands qu’il semble désirer isoier ses objets-sujets. A la Willard Gallery ces images évoquaient des paysages de rêve par des effets accumu’atifs. A l’exposition de l’ « Art du Miroir », deux peignes vibrent, hommages bancs à Bridget Riley, et évoquent deux perscnnages distincts. Connu pour sa correspondance étrange, petits collages en forme de lettres, faits sur mesure pour chacun, Ray John-son, peintre, propose de véritables échanges, sans toutefois que son pinceau se livre à une calli-graphie. Autre oeuvre à suivre, celle de Marvin Israel qui cultive le paradoxe. Dans ce pays, la jeunesse n’a pas d’âge, parce qu’il y a des jeunes comme Jasper Johns et Raus-chenberg et ceux du Pop Art, ou Helen Frankenthaller, Paul Jenkins, Hultberg et Nathan Oliveira, qui depuis une quinzaine d’années font figure d’aînés à cause du succès qui les fit connaître dès le début de leur carrière dans les grandes internationales où se signalait l’abstraction lyrique et leur forme particulière de contemplation. Emergeant du tachisme où elle se complut longtemps, A’ice Baber vient de présenter une image toute fraîche à la scène new-yorkaise, chez A.M. Sachs, où issu de son tachisme émerge un orphisme où son signe se fond et s’affirme à la fois par des superpositions colorées qui le contrôlent et lui rendent son calme. Quant au geste de Jenkins, sa dernière exposition témoigne d’un dynamisme accru, son signe plane comme un oiseau annonciateur. D’autre part, si Hultberg n’a jamais caché sa sympathie pour le surréalisme plastique de Max Ernst cu de Matta, il anime plus que jamais sa nuit de délires rouges. Quant au tachisme mesuré de Fran-kenthaller, il semble être la sentinelle d’un pont, d’un point de départ vers l’art cool dont elle s’est souvent fait l’écho, avec un silence majestueux et sans système apparent. Peintre au sens traditionnel du mot, mais avec toutes les coordonnées d’époque y compris l’en-seignement d’Albers, nous avons mêlé ici les très jeunes, les jeunes et deux aînés, parce qu’ils sont par la force des choses et de leurs images incorporés, dans le meilleur sens du mot, ot, à cette expres-sion du silence, Reinhardt et Jennett Lam qui, de plus, font partie de l’actualité immédiate de la scène new yorkaise. Jennett Lam dont la chaise se situe entre bannière et signe de solitude infinie. Elle sert d’étendard sur la couverture du catalogue de Toulouse, « U.S.A. Peinture Vivante » et fait partie du trio de « Mono-Imagistes » exposé chez Cordier et Ekstrom. Ce sont les rayures de ses transat’antiques qui nous tiennent au courant de la lumière du temps et de l’horizon. Elle fait de la figuration de l’objet simple, populaire, une abstraction géométrique entourée d’un univers de silence qui se rapproche de ce:ui des énigmes de Chirico, hors temps. L’autre peintre mono-imagiste de ce trio, dont le troisième est Miki, sculpteur du ,Japon, est le jeune Peter Dechar, vingt-quatre ans, qui se spécialise en poires gigantesques. Son métier est celui de la tradition flamande et ses couleurs simulent la verdure d’un paysage à la Magritte. Par leur situation dans la toile, on pense à une vision de théâtre, chaque poire cachant de la scène ce qu’on attend d’un décor bien conçu. Dans l’un et l’autre cas, le sujet unique permet des variations infinies aussi bien de l’ordre de l’abstraction que de celle de la méditation. Si la poésie de Jennett Lam s’impose par la seule qualité de sa peinture, à ce’le de Dechar se mêle un symbolisme, où l’orga-nique est présent, comme dans presque toute l’ceuvre des jeunes créateurs de c,e pays lorsqu’ils ne s’intéressent pas à l’abstraction géométrique. Mais ici aussi la peinture est l’élément dominant et ces deux peintres du si:ence nous invitent à une méditation qui dépasse l’objet. Bien que l’histoire ne se répète pas, on peut établir des parallèles. Il semble que le nouveau réalisme s’apparente à une forme de surréalisme, de même que l’art « cool » se rapproche d’un néoplasticisme, l’un et l’autre coïncidant généralement comme si l’un devait compléter le message de l’autre, comme si les durs à aimer devaient se tenir la main. Citons Picasso: « Un personnage, un objet, un cercle sont des figures, elles agissent sur nous plus ou moins intensément. Les unes sont plus près de nos sensations, d’autres s’adressent plus particulièrement à l’intellect. hl! faut lesaccepter toutes, car mon esprit a autant besoin d’émotion que mes sens. (P. Picasso, Ça ‘mers. r 1946.) Le miracle de l’Amérique, c’est que les durs à aimer furent rapidement acceptés. t Mais qui dit acceptés ne dit pas fatalement aimés, et s’il est une chose dont souffre lia, vraie Climatpein ursetima U.S.A. c’est justement l’écart qu’il y a entre les élans du coeur et ceux de l’esprit. stimu-lant et troublant. Le peintre sait qu’il n’est de peinture possible que par une forme de symixbolcisemset du concret ou de l’abstrait, qui lui permette de communiquer avec. un auditoire deson, choix. ainsi que Reihardt, qui s’efforce de « pousser le visible jusqu’à l’invisible », se refuse a toile qui ne serait pas née de son geste: il s’engage, même dans le « froid », avec ferveur. Colette ROBE FIND ART DOC