Joseph Albers. Homage to the square. Sidney Janis Gallery, New York. Anuszkiewicz. Celestial. 1966. Sidney Janis Gallery, New York. Allan d’Arcangelo. Proposition. 1966. Fischbach Gallery, New York. Howard Kanowitz. New Yorkers II. 1966. Jewish Museum, New York. Photos O. Baker, G. Clements, R. Burckhardt. COLETTE ROBERTS******* DE L’EXPRESSIONNISME A L’ART COOL LA RECHERCHE DU SILENCE II y a le silence de la méditation, et le si ence des hauts-plateaux, aussi celui du vide, et il y a le si ence qui permet la parole et remplace le cri. Nous allons nous efforcer ici par un regard à vol d’oiseau d’indiquer quel es sont les diverses qualités de silence que nous avons rencon-trées. Il ne s’agit pas d’un bilan de la jeune peinture américaine mais d’une promenade rapide auprès de toiles et de peintres qui nous fcnt On sait rue es peintures monuments es de l’ « Abstract Expressionnism » furent indirectement res-pcnsables de la sculpture d’enveloppement et d’atmosphère généralement caractérisée du titre de « environment ». On sait que les « cathédrales » murailles noires de Nevelson datent de 1957 et se signalèrent par l’ambiance, le silence qui résultai t de ces reliefs mystérieux ; en sait aussi que les envircnments » de Allen Kaprow s’attachaient à créer une forme d’angoisse doublée d’ironie telle celle de ‘a cour-jardin de Marthe Jackson (« New Forms, New Media ») remplies de pneus noirs peu engageants pour la prcmenade, et l’on sait que l’Université de Rutgers, New Jersey, où enseignèrent ceux du Pop Art, dont Kaprcw, fut une pépinière où naquit le « Happening » (on dit maintenant « event », car « Happening » impliquait que Godot n’avait plus à attendre !). S’ils étaient bruyants ces happenings, par moment, ces événements, c’était pour faire ressortir le silence des actes, l’an-goisse métaphysique réelle mêlée à un goût de mystification du public (non moins réel) qu’on invitait le plus souvent à ne rien voir puisque les locaux n’étaient pas véritablement prévus pour des spectateurs. On sent ici un réveil de l’attitude surréaliste qui requiert la pureté des intentions et l’outrance du comportement. Mais dans ce para-surréalisme, rien d’onirique et pas davantage dans la peinture qui en découle, celle du Pop Art et dissidents du Pop Art. D’autre part, l’enseignement de Albers à Black Mountain, puis à Yale, n’engendra pas seulement ceux de la recherche visuelle, dont le plus « op » est sans doute Anuskiewicz. Toute une fraction d’imagiers conscients de la nécessité d’un ordre et d’une architecture intérieure à la toile quel-qu’en soit le sujet, en découle. On sait aussi que ceux qui suivirent l’enseignement de Hofmann, dont beaucoup furent des sculpteurs, eurent une vision à la fois romantique et dynamique d’une peinture définitivement abstraite. La nouvelle génération a ses préférences, mais les meilleurs sem-blent être parvenus à créer une synthèse de tous les courants contraires. Si le Pop Art est comme on s’accorde à le dire, né du « Happening » la nouvelle abstraction a paru être une opposition à l’investigation de l’objet qu’est le Nouveau Réalisme. Mais tous deux évoluèrent ensemble contre le bain de subjectivisme auquel les suiveurs de l’Abstraction lyrique soumettaient leur mi ieu et, après avoir jeté des regards sur le monde actuel, l’objet même devient sujet d’abstraction. Pas immédiatement cependant. Certains demeurent encore proches de I’ « en-vironment ». Tels sont les larges panneaux de Rauschenberg et de Johns, pionniers du genre. Jim Dine, prcche et même de plus en plus du « Happening », s’efforce de mêler peinture et sculpture, vouant créer un « événement » silencieux. Malheureusement il sacrifie à son système la peinture dont il a un sens très sûr, telles qu’en témoignent ses gouaches — érotiques — mais infiniment plus justes que ses grandes compositions théâtrales. De même Wesselmann, pourtant un vrai peintre, « peignait » encore à la Green Gallery et même chez Janis il incluait des hommages aux peintres du passé, mêlés au décor (encombrant !). Le chef-d’oeuvre des autres devient « objet trouvé ». Chacun des Pop employait alors la peinture pour s’exprimer ; en tout cas rien ne sentait la volonté-de-se-débarrasser-d’une-idée, tels les récents Wesselmann en plastiques. Sa dernière exposition nous conviait à vivre dans l’intimité, non plus d’un décor avec frigidaire mais, à l’intérieur cette fois du frigidaire. Son grand « nu américain » a cessé de se prélasser sous les yeux d’une Joconde, ou autre, incorporée à un décor bourgeois pour s’arrondir en plastique sur un fond bleu, précisément celui qui incite dans la ciné-publicité à réc’amer un esquimau glacé. Et puisque nous parlons de Joconde, il y a justement une Renaissance de la Joconde — celle que suscita « Lhooq » de Duchamp, à Barbiche ce le-là a maintenant près de cinquante ans — et qui préside à la destinée des autres dans le choix de Gene Swenson au Musée d’Art Moderne. Celle de Rauschenberg (1958) disparaît sous la vraie peinture très expressionniste d’une petite toile. Celle de Warhol au contraire est objet répété en quatre dimensions. Celle-là fait partie de la colection du Metropolitan Museum. Chacun sa Joconde ! mais avec la sérigraphie le coefficient quatre n’est pas abusif. L’oeuvre est d’ailleurs réussie, le rapport des images heureux, Warhol a le sens du rythme, de la répétition de l’image, le cinéma est son moyen d’expression, ce qui est le cas de Robert Whitman et le sera bientôt de Watts. D’autre part si Lichtenstein est un peintre de che-valet — bien qu’à l’échelle gargantuesque parfois — il se fait ici le portraitiste d’une toile de Picasso, certain de ne trahir ni Picasso, ni Lichtenstein (exposition de « Art in the Mirror »). Mais ses peintures évoluent vers l’abstraction impersonnelle. Son dernier sujet, le « Brushstroke est le coup de pinceau même. Il s’agit donc du portrait d’une démarche. Est-ce l’abstraction d’un objet, ou la concrétisation d’un concept, d’un geste ? l’ambiguité demeure. Quant à l’oeuvre de Robert Indiana, elle est toujours à base de folklore, aux traditions locales. Sa forme de pastiche « Hommage à Joseph Ste:la » et « Hommage à Chartes Demuth », sont des oeuvres qui sont mar-quées comme toutes ses peintures d’un sens très sûr de terroir et d’économie de moyens. D’autre part, Kanowitz a quitté l’introspection de l’expressionnisme pour se jeter corps et âme dans une espèce de portrait illustration qui se veut photographique et l’est. Une exposition per-sonnelle au Jewish Museum réunit, par exemple, Sam Hunter, directeur du musée, le poète et critique Frank O’Hara (tué récemment dans un accident de la route) et leurs amis dans ce qui pourrait être une salle de comité de rédaction. Chacun des participants est identifiable mais non présent. Le métier est d’une sécheresse à toute épreuve. Dans d’autres toiles cette sécheresse devient ricanante, satire si journalistique qu’on se demande si l’on ne retourne pas par une forme contemporaine à l’outrance réaliste américaine d’avant 40, réalisme graphique et rarement pictural, car le se. ns de la lumière en est absent. De même l’image de Alex Katz, comme celle des grands nus de Marcia Marcus tendent à se styliser, et, par ailleurs, l’oeuvre d’Arcangelo devient de plus en plus abstraite. 11 est certain que d’Arcange’o, par exemple, qui commença à peindre ce que l’on pourrait appeler la civi-lisation de l’auto et de la route (affiches vues en perspective, clignotants, travaux de réparations, etc.) vue d’une auto en marche, fait de sa route un projet de plus en plus géométrique, d’épure. FIND ART DOC’