• 411 160 Heureusement, il n’y a pas que des tendances exclusives dans la jeune sculpture américaine, et il existe un tas de sculpteurs non conformistes avec exubérance, tirant sur des traditions d’origines largement différentes, qui vont du surréalisme à l’expressionnisme abstrait. L’intonation surréaliste est clairement ressentie dans les oeuvres de plusieurs très jeunes sculpteurs travaillant en Californie. Robert Hudson, par exemple, travaille avec une imagerie organique et non organique construite pour offrir l’espèce de chaos hallucinant particulier aux surréalistes. Les sculptures de fer soudé de Hudson, dans lesquelles les nécessités essentielles de la compo-sition sont bien remplies, ses formes, ont un rapport de justesse suffisant pour tenir lieu d’articu-lation plastique effective. Mais Hudson ne s’arrête pas là. Sa fantaisie lui dicte certains jeux de surface qui comprennent des trompe-l’oeil en pseudo-perspective, des lignes et des boucles inter-rompues, et à l’occasion des dessins et des cartes géographiques. Tous ces détails de surface sont rendus dans de brillantes couleurs au ripolin, qui rehaussent l’effet d’imagerie hectique et décousue. Encore plus étranges sont les sculptures de Jeremy Anderson, dans lesquelles la façon décidé-ment surréaliste (tirée de Giacometti) de conjuguer des formes organiques, a été la source. L’imagi-nation d’Anderson est imprévisible, absolument libérée de toute tradition, et en général portée à la facétie. Par exemple, il a fait plusieurs parodies de peintures de de Chirico, à trois dimensions. Mais il a aussi construit d’étranges sculptures, hautes en couleur, qui tirent leur source d’imagerie dans son psychisme profond. L’indépendance relative de la tradition, et la bonne humeur, sont visibles dans les assemblages de bois de John Anderson, un artiste de New York dont les créations vont de troublants membres de bois sculpté, appuyés l’un contre l’autre dans une profusicn folle, jusqu’à des morceaux de pans de mur tenus ensemble par une corde. Sa méthode de jointure est habile, et sa juxtaposition de formes bizarrement sculptées, provocatrice. Dans un même ordre d’idées, Arlo Acton, de San Francisco, réunit le bois et le métal dans des constructions qui, très souvent, font vaguement allusion à des motifs érotiques. Les assemb ages de Acton sont toujours caractérisés par sa maîtrise de l’échelle monumentale, et son habileté à se concentrer sur les formes majeures. Beaucoup de jeunes sculpteurs inclinent vers la licence permise dans l’assemblage de mode, mais très peu paraissent capables d’imposer une image puissante. Depuis la dernière guerre mondiale, les libertés inhérentes à l’art moderne ont été spécialement importantes dans la sculpture. Une fois que la définition traditionne le de !a sculpture a été recon-nue inadéquate aux variations des oeuvres tridimensionnel es qui sont apparues après la guerre, toutes les sortes de trucs furent dépassées. Il devint possible, par exemple, pour un artiste aussi poétique et lyrique que Varujan Boghosian, de présenter des sculptures franchement littéraires. Boghosian n’a jamais dissimulé son intérêt fervent pour la poésie, et son importance en tant que source d’inspiration. La plupart de ses constructions ont été des illustrations imaginatives du mythe d’Orphée, et vont de l’allusion littérale (têtes de poupées en bois, antiques, pour représenter les per-sonnages), jusqu’aux références indirectes à de mystérieux rites. Boghosian utilise souvent des portes abîmées par les intempéries et des morceaux d’épaves pour renforcer ses allusions au passé et aux mythes. Il est un magnifique artisan, et de plusieurs façons il prolonge l’oeuvre d’un lyrique plus ancien, Joseph Cornell. Les extensions des techniques du bois ne sont plus rares parmi les sculpteurs les plus jeunes. Alvin Light, par exemple, a développé un langage abstrait sophistiqué, en utilisant des grosses bran-ches d’arbre légèrement sculptées, qui sont jointes avec de la colle forte et des pinces. Les grands morceaux de Light, jaillissant vigoureusesment dans l’espace, sont devenus plus simples dans ces dernières années, mais rappellent toujours leurs origines dans la tradition organique de l’expression-nisme abstrait. Plusieurs développements remarquables de l’abstraction expressionniste se retrouvent dans l’oeu-vre de plusieurs jeunes sculpteurs qui expérimentent de nouveaux matériaux. Au premier rang, se situe David Weinrib, qui a abandonné la sculpture statique traditionnelle, et travaille presque exclusive-ment sur des formes suspendues. Weinrib est intéressé, dit-i!, par la sculpture sans pesanteur. Il commence avec des murs et des plafonds . de façon a obtenir un aspect plus aérien, en opposition à notre perspective orientée vers son centre de gravité normal ». Les oeuvres de Weinrib, qui pendent des plafonds ou se projettent loin des murs, sont souvent composées de formes colorées en matière plastique, qui ne se répètent jamais. Elles sont parfois transparentes ou bien opaques. Il n’y a aucune tentative de faire rimer les couleurs avec les formes — les configurations qui se produisent sont fortuites. Pourtant, cheminant quelque part dans l’esprit de l’artiste, existe une volonté dirigée vers une articu’ation cohérente, car les oeuvres les plus importantes de Weinrib sont puissamment effectives et semblent motivées par des choix judicieux dans la manière de la sculpture orthodoxe. Bien qu’il souligne un changement, le structurisme, pour le moment, est d’un intérêt consommé pour les plus jeunes sculpteurs, mais on peut difficilement dire qu’il y ait une mode dominante aux Etats-Unis actuellement. Toutes !es nuances non orthodoxes sont visibles dans presque toutes les galeries, cette saison. La plus grande généralisation que je crois pouvoir faire est que la définition de la sculpture s’est étendue jusqu’à un point de non-retour. La sculpture, aujourd’hui, est n’importe quoi qui soit une présence dans l’espace, même si ce sont des tubes de lumière fluorescente sur le mur, comme chez Flavin, ou des amas de tissu en vinyl cousus ensemble. La façon traditionnelle de penser sculpture ne s’applique plus, tout simplement. Dore ASHTON. Arlo Acton. Moon Shot. 1965. John Anderson. McClusty’s Gear. 1965. Allan Frumkin Gallery, New York. Robert Hudson. Inner Mission. Allan Frumkin Gallery, New York. Dave Weinrib. 1965. Royal S. Marks Gallery, New York. Jeremy Anderson. Between. 1961. Dilexi Gallery, San Francisco. Varujan Boghosian. Study for the Temple. 1964. Stable Gallery, New York. Alvin Light. March. 1962. Dilexi Gallery, San Francisco. Coll. Lannan Foundation, Chicago. Photos G. Clements, J.D. Schiff. Tl TTC ART DOC