.000,1011p ..atairee DORE ASHTON * * * * * * * * * * * * * JEUNES TALENTS DE LA SCULPTURE AMERICAINE Quand le Jewish Museum a monté, la saison dernière, l’exposition appelée Primary Structures », il était visible que l’attention des plus jeunes sculpteurs s’était déplacée vers des problèmes relevant de la tradition constructiviste. Aucun argument clair n’émergeait de l’exposition, mais il était évident que la majorité des sculpteurs représentés étaient portés à simp.ifier, réduisant leurs moyen, et rejetant les modes les plus romantiques qui avaient prédominé dans les années cinquante. Dans son idiome le plus sévère, la nouvelle sculpture puriste rejette les moyens traditionnels teis que la juxtaposition complexe de formes, l’asymétrie, et la composition élaborée. L’un des plus rigou-reux pratiquants de cet idiome, Donald Judd, a écrit « qu’il n’est pas nécessaire pour une oeuvre d’avoir un tas de choses à regarder, à comparer, à analyser une par une, à contempler. La chose, en tant qu’un tout, est ce qui intéresse. Les choses principales sont isolées, et sont plus intenses, claires et puissantes. Elles ne sont pas diluées Par un format traditionnel, par les variations d’une forme, ou les contrastes adoucis et la connexion des éléments et des espaces ». La sculpture récente de Judd confirme cette prise de position. Il construit des boîtes en fer galvanisé de mêmes dimensions précises et qu’il fixe au mur. Il n’y a absolument pas de contraste. L’effet d’espaces mesurés est froidement calculé, probablement d’après des progressions mathémati-ques reconnues. L’aspect sévère, sans compromis, puritain, de ces boîtes est tout ce qu’il y a à contempler. La froideur de la logique inhérente aux oeuvres de Donald Judd, Robert Morris, Robert Smithson, et Sol Lewitt, qui étaient tous représentés dans l’exposition récente « Ten », à la Dwan Gallery, montre une préoccupation décidée en ce qui concerne les problèmes purement esthétiques. Je veux dire par là que ces artistes proposent une esthétique de type idéaliste platonique. Ils sont extrê-mement conscients de facteurs tels que le poids, la mesure et les intervalles numériques, et dans la plupart des cas, ils ont travaillé en termes de symétrie absolue. La notion de Francis Bacon que rien n’est beau là où il n’existe pas d’étrangeté dans la proportion, n’est pas pour eux. Au contraire, ils tâchent de montrer, par la répétition de formes de proportions identiques, que la symétrie abso-lue a sa propre beauté. Peu des plus jeunes sculpteurs ont réellement démontré une compréhension de cette tendance indéterminée de « Primary Structures». Mais Kenneth Snelson, dont la parenté avec les premiers mouvements puristes de la sculpture est plus apparente, a défini clairement ce qu’il veut dire. Il dit « que toutes les méthodes d’attachement — vis, clous, queues d’aronde, rivets, boulons, même le bourrage des oreillers en plastique au gaz d’hélium — représentent une poétique analogue au prin-cipe universel unique selon lequel des corps séparés sont tenus ensemble: l’orbite dans le champ de la force ». Pour Snelscn, les « Primary Structures » sont la dénonciation du conflit entre la tension et la compression. C’est pourquoi sa sculpture est traitée à l’économie, réduite à l’articulation de tubes d’acier maintenus en état de tension par de lourds câbles métalliques. Dans ces configurations, néanmoins, Snelson compose des formes contrastant durement (tous les plans imaginaires entre pieux et câbles sont inclinés), et il développe même des accents asymétriques au moyen de sur-faces peintes occasionnelles. Son imagerie est riche et atteint instinctivement à la grandeur. Ceci est également vrai de Robert Murray, un des sculpteurs du fer les plus vigoureux parmi ceux qui sont apparus dans les années ].960. Murray utilise des formes très simples, mais il n’est en aucune façon dépendant d’une polémique puriste. Comme Snelson, il s’intéresse à la tension et a la compression, et il emploie tous les moyens qui lui paraissent satisfaire la dynamique de ses idées. Bien moins doctrinaire que nombre de ses contemporains, Murray a obtenu des résultats remar-quables dans ses scu’ptures peintes en acier. Quoique les formes très simples, cylindriques et plates, de Murray, rappellent parfois certains aspects de l’oeuvre de David Smith, son approche est différente. Il n’assemble pas des morceaux dis-parates, mais il commence par la planche à dessin, combinant l’interrelation de chaque élément avec soin et précision. La maquette est alors achevée dans un atelier spécialisé sous la surveillance constante de Murray. Murray a rejeté la notion de sculpture ouverte-finie et travaille à définir chaque élément comme une entité particulière comportant des bornes visibles. Même quand il travaille avec plusieurs éle-ments, son but est de rendre le schème de la composition si élémentaire que la fusion résultante est perçue comme une simp’e unité. Néanmoins, la beauté de la sculpture chez Murray peut, en grande partie, être attribuée à ses méthodes ingénieuses de joindre ses plaques d’acier, et au soin clans les détails, apportés avec une science consommée pendant l’exécution artisanale. Il y a tou-jours plus à contemp:er dans une sculpture de Murray qu’une simple forme primaire. L’oeuvre de Ronald Bladen se rapporte en quelque sorte davantage aux conceptions romantiques de la sculpture qu’aux concepts puristes. Vers les années 1960, Bladen était occupé à construire des assemblages massifs, curieusement équilibrés, dans de grandes formes géométriques. Il commençait chaque pièce, comme l’a rapporté Irving Sandler, avec l’idée de trouver les moyens de suspendre des elements hors de l’équilibre. Dans ses efforts à travailler avec des formes bizarrement balancées, Bladen effaçait la sévérité de la structuration géométrique, introduisant une fantaisie vivante dans ses oeuvres. Une des sculptures les plus intéressantes de Bladen dominait l’exposition « Primary Struc-tures » au Jewish Museum. Elle se compose de trois éléments très élevés de structure identique, Chacun de ces volumes inclinés n’a qu’une face en aluminium très poli et quatre côtés noirs. Ils se dressent de façon impressionnante à de larges intervalles, offrant une qualification de l’espace ,réelle-!rient monumentale. Le jeu animé de lumière sur la surface tendue adoucit la symétrie des elements identiques, et la défiance du principe de gravité élève la contribution de Bladen au-dessus du domaine strictement puriste.