N D M N M M L T PPR SON ENRACINEMENT DANS LE SITE DONT ELLE TIRE SON ORGA-NISATION, SA SILHOUETTE ET SES MATERIAUX, PAR LA VARIETE DE SES PROFILS, PAR LA SUCCESSION ET LA SPECIFICITE DE SES ESPACES, CETTE CONSTRUCTION EST LA MEILLEURE ILLUSTRATION DES CONCEPTIONS ARCHITECTURALES DE L’EQUIPE MOORE, LYNDON, TURNBULL, WHITAKER. A TOUS LES STADES D’INTERIEUR ET D’EXTERIEUR ON RESSENT AVEC LA MEME PUISSANCE LA GLOBALITE DES VOLUMES ET L’ORlGINALITE DE TOUS LES LIEUX QU’ILS CONTIENNENT. PARTICULIEREMENT REMARQUABLE EST LA PRESENCE DES ESPACES DE TRANSITION QU’IL S’AGISSE DE LA COUR CENTRALE OU DES BOW-WINDOWS. Notre tâche particulière était d’étudier les unités de copropriété. Nous désirions, autant que nos clients et les autres membres de l’équipe, respecter l’originalité d’un paysage que nous admirions tous depuis longtemps. Les données du programme, tirées de nos archives, précisent les conditions que, dès le départ, nous avions de nous-mêmes fixées — conditions qui se sont modifiées et transformées au cours de notre travail, chaque fois que des problèmes se résolvaient ou que des imprévus surgissaient. Elles ont été revues soigneusement avec Al Boeke dont le jugement précis et l’aide bienveillante ont joué un très grand rôle dans la réalisation Que tout se soit déroulé dans les meilleures conditions est dû en grande partie à son aptitude à saisir nos intentions, à les talonner chaque fois que c’était nécessaire à critiquer habilement leur exécution. Dans chaque cas nous avons bénéficié de ses réserves rigoureuses. CRITERES POUR LE SITE : Il faut que chaque unité ait son « identité » dans le site. Chacune doit avoir une vue particulière sur l’océan. On ne se con-tentera pas de vues donnant directement sur l’ouest ou sur la mer. Les unités doivent avoir un accès direct au site. Les expositions au sud sont particulièrement souhaitables. L’implantation des unités doit être étudiée pour former des brise-vent. Les routes devront être bordées de murs ou d’arbres chaque fois qu’elles violent l’intimité des unités. CRITERES POUR LA CONSTRUCTION : Les espaces intérieurs doivent être ouverts afin que chaque unité dégage une certaine impression de générosité. A l’intérieur de l’espace général, des lieux spécifiques seront créés : a) Un coin de feu sombre. b) Un solarium (susceptible d’être hermétiquement fermé en cas de mauvais temps. c) Un ensemble cuisine-bains simplifié. d) Des zones réservées au sommeil (tout en tirant parti de la totalité de l’espace). La disposition des ouvertures tiendra compte de l’originalité des angles de vision et devra créer une sensation d’étendue intérieure. Les garages abriteront de vastes surfaces de rangement pour éviter de réduire davantage les unités. RECOMMANDATIONS GENERALES : L’implantation des unités doit renforcer le relief naturel du terrain et ses dénivellations. Les voitures doivent être rassemblées dans des cours pour simplifier le tracé du réseau routier, pour les maintenir à leur niveau d’utilisation et pour leur permettre de constituer un trait d’union entre les groupes d’unités. Les groupements d’unités doivent donner naissance à une composition imposante qui dépasse la simpie addition d’éléments. Les matériaux doivent être simples et bruts ; ce parti-pris de simplicité et de commodité s’applique aussi bien à la cuisine qu’à la salle de bains. Par leur nombre, les unités doivent former dans le paysage un vaste relief architectural dont il faut tirer parti. Elles ne doivent pas être cachées ou confondues dans le paysage. Presque immédiatement, nous nous sommes aperçu que nos idées et les besoins précis de ce site convergeaient. La nécessité d’espaces de transition situés hors des limites de l’espace principal mais pro-tégé cependant du vent et ouvert au soleil et au paysage, s’est rapi-dement imposée Ce genre de transition entre l’intérieur et l’extérieur se rencontre souvent dans l’oeuvre de Lou Kahn et il caractérise plu-sieurs de nos réalisations recentes. Lorsqu’on se trouve dans l’espace principal de la Jewell House on ne découvre le paysage qu’à travers des volumes en forme de porches qui s’étendent délibérément au-dessus et au-delà des ouvertures des principaux espaces intérieurs régis par une symétrie simple et fermée de style XVIlle. Pour le Condominium, il a été prévu dès le départ un espace prin-cipal entièrement clos et distinct doté d’un volume annexe défini où l’on pourrait s’asseoir face au spectacle de cette côte battue par le vent. Ces idées bien présentes à notre esprit, nous nous sommes efforcés d’implanter un groupe de ces unités sur le terrain. Notre site est au départ particularisé par l’existence de quatre collines qui délimitent un « lieu » dans le paysage. Une butte surmontée d’un grand arbre sert de premier plan à une succession fuyante de falaises et de cri-ques balayées par les vagues. Munis d’une boîte de morceaux de sucre et du Kama Sutra de Turnbull concernant l’aménagement d’un paysage, nous avons sans relâche aligné des unités sur une maquette du site, chacun s’exerçant à son tour au jeu de placer les cubes suivant les tracés du terrain de telle sorte que chaque unité ait au moins la moitié d’une de ses façades bien orientée vers une vue spectaculaire et, dans la plupart des cas, davantage. Les grandes lignes de la disposition d’ensemble fixées, nous nous sommes mis à l’élaboration du plan d’un groupe d’unités en déter-minant d’abord les eléments types que nous allions utiliser pour ces unités. Les cubes de sucre (de 7,50 m à l’échelle, ce qui est unr3 dimension commode) sont devenus, de façon tout à fait arbitraire, les unités de volume de base. Donner à la surface habitable néces-saitement réduite pour des raisons économiques une illusion d’espace nous a conduits à respecter le sens profond du volume total de cet espace « intérieur » principal — à le traiter comme une boîte fermée dépourvue pratiquement d’ouvertures (mis à part l’espace extérieur de transition) qui pourrait être fractionné afin de lui donner des espaces plus personnalisés. La subordination d’une telle structuration interne suit de très près l’architecture « édiculaire » dont la théorie a été décrite puis abandonnée par John Summerson dans Heavenly Mansions. Dans leur développement, les éléments de Ses Ranch ont bien des points communs avec l’intérieur de la propre maison de, Moore où deux auvents en forme de pyramide tronquée, chacun fixé sur quatre piliers, sont disposés asymétriquement et surmontés d’un toit qui a la forme d’une pyramide presque parfaite. Alors que les « édicules » de Moore sont des édicules au vrai sens du terme, c’est-à-dire des struc-tures réduites, ceux de Sea Ranch jouent le rôle de meubles grand format : une chambre-lit supportée par quatre colonnes qui déter-minent entre elles, près de la cheminée, un espace plus fermé, et un placard à deux étages qui abrite en bas la cuisine et en haut une salle de bains avec dressing-room. Puisque les unités n’étaient pas isolées et que nous voulions en les accolant créer un relief architectural dans le paysage, nous les avons réunies par des toitures très simples. Cette opération transforma ces cubes identiques en successions d’espaces de hauteur variable. Les édicules extérieurs recouverts par les prolongements du toit se sont trouvés intégrés à la totalité de la forme. Les surfaces, au lieu de construire une figure géométrique fermée, se coupent et engendrent une complexité répétée Alors que la plupart des décisions ayant trait à l’ensemble du projet sont nées de discussions improvisées entre les associés, leur formulation a permis, dans la mesure du possible, que les décisions de conceptions spécifiques puissent être prises séparément par les divers associés sans détruire pour autant le sens d un lieu cohérent. A certaines étapes du projet cette façon de faire a été particulièrement efficace. La diversité obtenue dans l’agencement des unités tient à ce que les associés ont, chacun de leur côté, manipulé les éléments intérieurs. A d’autres moments, le travail a bénéficié davantage d’une étude réciproque de nos dessins et d’une mise en commun de nos efforts au cours de réunions agitées où le sérieux côtoyait les plai-santeries, les jeux de mots et les critiques acérées. Cette façon enjouée d’élaborer un projet commence avec la défi-nition des besoins, puis par l’adoption d’un ensemble de règles qui régissent les formes susceptibles de les satisfaire. Souvent ces règles découlent des besoins eux-mêmes et l’abstraction et le rite les trans-forment en une discipline formelle réelle ; plus souvent encore on admet de façon arbitraire une géométrie logique (boîte carrée, édicule carré, fenêtres carrées, lanterneaux carrés, colonnes carrées, mor-ceaux de sucre carrés). Le but du jeu est de voir si les règles adoptées peuvent faire naître une image convaincante. Si elles échouent, on les écarte et on fixe de nouvelles contraintes. Comme dans beaucoup de jeux, le succès vient en reculant les règles à leur limite extrême et en sachant les abandonner au bon moment en faveur d une vision plus riche. Le jeu a deux buts il engendre des formes et suggère des possibilités. Son empreinte dans le lieu construit offre à l’utilisa-teur-spectateur l’occasion de le prolonger Puisque les unités sont définies par l’action conjuguée de la toiture et des planchers, leur aménagement se résumait simplement à dis-poser les meubles-édicules à l’intérieur de cette boîte en utilisant au maximum l’originalité des implantations en diversifiant l’agencement afin de tirer profit des espaces hauts ou bas, en augmentant l’espace chaque fois qu on avait besoin de chambres supplémentaires, en plaçant dans certains cas l’édicule-lit face à des vues plongeantes de la côte et, dans d’autres cas, en le repoussant dans le coin le plus reculé. Ce mode d’élaboration du projet s’est particulièrement justifié pour la structure. Alors que les ébauches en faisaient abstraction, les colonnes et les poutres de rive de l’esquisse préliminaire sont deve-nus des éléments organisateurs puissants et finalement ils ont servi d’ossature pour la refonte du projet lorsqu’au début des premières esquisses de grands changements se sont avérés nécessaires. Une grande habileté de calcul, un esprit ouvert et incisif ont permis à Patrick Moreau de rattraper et de développer notre structure et finalement de la doter d’un contreventement en diagonale particu-lièrement réussi. La puissante régularité des trames du mur intérieur a permis d’envisager une transformation ultérieure des édicules extérieurs en baies et en serres. En délimitant nettement l’espace principal, ces trames permettent aux annexes prévues d’être « extérieures » sans gêner la hauteur des volumes et l’autonomie des structures de l’espace principal. Ces ultimes transformations doivent beaucoup à Al Boeke, dont la participation de dernière minute a permis de réduire le coût de la construction et d’humaniser un projet qui avait pris une exten-sion trop grande Elles ont même accru sa réalité et son originalité tout en ne l’éloignant pas trop des plans initiaux. A Princeton, Georges Rowley nous a enseigné que l’art chinois procédait de l’idéal à l’empirisme, des idéogrammes à l’expérience. Nous aimerions concevoir des bâtiments qui auraient la puissance émotionnelle des premiers et les étudier avec une sagesoc nu’ se r)l!e à l’expérience des exigences de la vie. Sea Ranch est un prog.e.-; d ans les deux sens. Donlyn LYNDON Extrait de « World Architecture 2 » édité par John Dona’