RÉALITÉS ET SIGNIFICATIONS DE L’ARCHITECTURE JOSEPH ESHERICK Lorsqu’il étudie un projet un architecte est placé dans une position essentiellement ambiguë. Son travail ne doit ni gêner, ni limiter tout en faisant plus que faciliter. Son problème est de produire le meilleur cadre possible à la réalisation de ce que désire l’utilisateur — rien de plus — un cadre ou un environnement. Son rôle n’est pas de contrôler, cette action appartient à l’utilisateur, un degré raisonnable de contrôle est cependant nécessaire pour faciliter le choix des conditions d’utilisation. Un tel contrôle est essentiellement protecteur dans le sens le plus large du mot. La plupart des événements que nous pouvons envisager, pourraient survenir n’importe où, pourtant nous acceptons que pour des événe-ments particuliers certains lieux soient plus indiqués que d’autres. En simplifiant peut-être beaucoup on peut dire que l’architecte doit simplement distinguer ce qui est valable dans un cas particulier donné et sublimer ces données sans cependant les rendre évidentes ni mêmes claires. De plus le cadre doit être capable de grandir et de changer en même temps que l’évolution de celui qui s’en sert. L’utilisateur et l’utilisation sont ce qui est important, non l’architecture, non les questions de beauté et d’esthétique. La beauté est une conséquence de la justesse des autres choses et non un but recherché pour lui-même ; en tant que conséquence, elle est un aboutissement légitime. Joseph ESHERICK, janvier 1967. Joseph Esherick, pendant ses études d’architecture à l’Uni-versité de Pennsylvanie, consacra beaucoup de son temps à la sculpture ainsi qu’à l’exécution de dessins anatomiques pour l’école de médecine. Ces derniers sont responsables de sa première et vitale compréhension d’une structure fonctionnelle extrèmement sensible. Par eux, il découvrit que le corps humain n’était ni la structure idéale, ni le cas général qu’illustraient les livres d’anatomie, mais quelque chose qui se développait d’une façon individuelle, spécifique, et hautement spécialisée. A l’Université de Californie il a étudié les mathématiques généraies, la méthode scientifique (au département de philosophie), la recherche opérationnelle, la théorie des ensembles et enfin pour l’application de tout ceci à l’architecture la programmation des ordinateurs. En 1960, il étudiait également la sculpture et la peinture à l’Institut des Arts de San Francisco. Esherick pourrait être décrit comme un idéologue parmi les archi-tectes. Il croit que la pratique de l’architecture doit suivre une théorie explicite, mûrement réfléchie. Son oeuvre est l’expression directe de ses idées à tel point qu’elle est souvent surprenante et quelquefois même assez choquante. Esherick pense qu’une ère d’unification est sur le point de com-mencer. Les sciences physiques et sociales se rejoignent, trouvant qu’elles ont beaucoup de lieux communs dit-il. Les effets limitatifs de la spécialisation sont plus que contre-balancés par la découverte et le développement de méthodes communes de résolution. Il n’y a aucune raison pour que l’architecture ne participe pas et ne bénéficie pas profondément de cette tendance unificatrice, mais cela implique l’élargissement et l’approfondissement du niveau actuel de la discus-sion en matière d’architecture. En architecture s’élève aujourd’hui une multitude de petites voix pour nous dire que nous ne sommes pas sur le bon chemin, que nous devons suivre celui-ci ou celui-là. Le plus souvent, ces voix sont subjectives et sans valeur parce qu’elles ne s’intéressent qu’à l’esthétique. Elles font partie d’un nouveau culte du beau pour le beau, atteint à tout prix et n’importe comment LA BEAUTE RESULTE DE LA SOLUTION CORRECTE DES PROBLEMES. Elle est irréelle, comme un but. Se préoccuper d’esthétique mène à des avant-projets arbitraires, à des bâtiments qui prennent une certaine forme parce qu’elle « plaît ,› au dessinateur. AUCUNE ARCHITECTURE REUSSIE NE PEUT ETRE FORMULEE D’APRES UN SYSTEME ESTHETIQUE, ELLE NE PEUT QU’ETRE BASEE SUR UN MODE DE VIE. Nous devons décider ce qui est vivant et vital dans notre culture et aborder chaque problème avec cela présent à l’esprit. Nous avons besoin de savoir ce que sont les choses et à quoi elles servent. Nous avons besoin de découvrir les réalités et les significations. L’architecture est un processus, quelque chose qui sert à rappro-cher les besoins exprimés et non exprimés de la réalité. JE CROIS QUE NOUS AVONS JUSQU’ICI CONFONDU LE MOYEN ET LE BUT. NOUS AVONS EU EN TETE L’IMAGE DU BATIMENT ET NON CELLE DE L’HOMME HABITANT ET UTILISANT L’ESPACE. NOUS NOUS SOMMES OCCUPES D’EXPRESSIONS AU LIEU DE REALITES. « Un des grands problèmes de la peinture moderne est de savoir quand un tableau est terminé ; de même en architecture, c’est de savoir quand un problème est résolu ; malheureusement souvent l’ar-chitecte est incapable d’une telle appréciation parce qu’il ignore la nature même du problème ; conscient de son existence, mais ne sachant pas ce qu’il est réellement et ne possédant aucune méthode pour l’aborder, il a souvent tendance à en inventer un autre. Ainsi l’enseignement des Beaux-Arts conduit à l’invention de problèmes le plus souvent esthétique puis à l’établissement des règles nécessaires a leur résolution. L’esthétique n’est qu un problème créé par l’homme et l’on peut en définir les règles exactement comme pour les échecs. NOUS AVONS TENDANCE A EXAMINER LES PRODUITS FINIS (LES CONS-TRUCTIONS), ON POURRAIT MEME DIRE LES SOUS-PRODUITS DE L’ARCHI-TECTURE ALORS QU’IL FAUDRAIT CONSIDERER LE PROCESSUS COMPLET DE LEUR CREATION QUI EST L’ARCHITECTURE. IL EST BIEN PLUS IMPORTANT DE DECOUVRIR CE QU’UN ARCHITECTE PENSAIT FAIRE ET DE LE CONFRONTER AVEC LA REALISATION CONSIDEREE EN TANT QUE PHENOMENE UTILISE PAR DES GENS TRES DIVERS. SI VOUS ELIMINEZ LE PROCESSUS DE CONCEPTION ET QUE VOUS REGARDEZ SIMPLEMENT LE BATIMENT, VOUS L’IDEALISEZ EN QUELQUE CHOSE QU’IL N’EST PAS. UN BATIMENT N’EST RELLEMENT GUERE PLUS QU’UN FOND, UN ASSOR-TIMENT D’IDEES SCHEMATIQUES. C’EST LA FAÇON DE COMMUNIQUER CES IDEES QUI REND LA CONSTRUCTION INTERESSANTE. • Une des difficultés de la conception réside en ce que beaucoup d’entre nous ont appris à travailler suivant des processus convergents. Le système des Beaux-Arts avec l’idée de l’esquisse que l’on produit en peu de temps et que l’on étudie ensuite, ne permet qu’une archi-tecture essentiellement focale. De tels processus de conception s’appuient toujours sur des idées totalement spécifiques concernant des objets eux-mêmes spécifiques, ces derniers étant utilisés pour décrire des situations existantes comme représentatives d’un état soit satisfaisant soit nécessitant un développement ou une modifi-cation. Ainsi n’a-t-on exclusivement affaire qu’à des images connues que l’on utilise pour développer une solution qui est par celà même limitée à une modification des solutions antérieures. Notre héritage immédiat de conception et le Bauhaus le démontre nous vient d’un groupe qui commença en comprenant la nécessité de détruire le passé et son formalisme mais qui ne réussit, en le faisant, qu’à amener un nouveau formalisme. Que ce ne soit pas la faute du Bauhaus n’est pas la question, le fait est que cela est arrivé et qu’une nouvelle et rigide académie de forme a apparu, et l’impor-tant est que l’avertissement soit suffisant. Le problème est toujours d’être capable de comprendre les significations, de saisir les formes. Penser d’une façon divergente est la seule voie qui permet l’inno-vation. • Nous devons établir un système ayant deux caractéristiques : en premier lieu, il ne doit pas structurer notre vision ni la formulation et la solution du problème, en second lieu, la méthode de conception et de décision doit être incorporée dans le problème lui-même et orientée par l’homme. NOUS DEVONS PRODUIRE BEAUCOUP D’IDEES DIVERGENTES ET D’ALTER-NATIVES DIFFERENTES, PUIS DEVELOPPER UNE. METHODE DE SELECTION QUI NE SOIT PAS ARBITRAIRE MAIS QUI S’APPUIE SUR UN CRITERE DEFINI. Vous devez prouver que A est mieux que B dans des conditions spéci-fiques : ceci est difficile et long par le système habituel de conception architecturale. Nous devrions pouvoir produire un cas général ou abstrait d’une façon ou d’une autre et le manipuler ensuite. Lorsque vous regardez une formule mathématique, vous voyez les limitations d’un changement de n’importe lequel des symboles qui modifie un phénomène particulier. En exposant le problème de la conception d’une façon générale, vous définissez rapidement son domaine et ses limites sans spécifier la solution, ceci permet de prévoir les possi-bilités et de travailler sur une variété d’alternatives ainsi que sur des détails que l’on a généralement pas le temps de considérer -. Un des grands avantages du processus industrie! est qu’il rend pos-sible un plus haut degré d’individualisme que l’artisanat, non dans le sens d’expression personnelle mais plutôt de satisfaction de besoins individuels et spécifiques. „ NOUS TENDONS A LIMITER LE PROCESSUS INDUSTRIEL, ELEMENT FONC-TIONNEL DE L’ARCHITECTURE D’AUJOURD’HUI, ET LA ENCORE PAR DES IDEES PROCONÇUES. J. E H E R C K G. H 0 M E Y P. D 0 D G