Jean Miotte. Jean Jacques Lévêque Plus que jamais, et sans doute en raison de la rapidité actuelhe de diffusion des idées, l’art qu’il soit français ou de toute autre origine, s’ali-mente d’apports très divers et s’e modifie en fonction d’influences qui sont parfois contradictoires. C’est dire que ce qui était spécifiquement français pour les artistes cubistes (la raison de Braque) ou pour les artistes qui ont cru bon d’élever un drapeau national pour s’opposer à la lâcheté du gouvernement de Vichy (tels Pignon ou Bazaine) pendant la guerre ne l’est plus aujourd’hui. Le jeune artiste « fait » son pèlerinage à New York et garde un contact étroit avec Londres qui, on le sait, exporte outre ies Rolling-Stones et la mini-jupe une vision toute nouvelle du monde. Si bien qu’il abandonne à la fois les bords de la Seine chers aux impressionnistes, le compotier des cubistes et le paysagisme transposé, subjectif de Bazaine, pour aborder une forme tout à fait nouvelle d’expression qui a des sources complexes. L’abstraction géométrique, la confiance accordée à la gestualité ou le déballage néo-réaliste des morcellements d’une conscience « autre » consti-tuent, en effet, des éléments propres à justifier les démarches actuelles qu’il est encore juste de qualifier: jeunes. Cela va des effets purement abstraits de Buraglio aux rêveries sur le Petit Larousse de Cheval-Bertrand, en passant par les syncopes gestuelles de Michel Tysblat (qui d’ailleurs préfigure une forme nouvelle de peinture concrétisant une alliance étroite de celle-ci avec le jazz), la figuration allusive d’un Yves Dubois (qui ne refuse pas certaines références à Bol-dini), l’espace du vertige métaphysique (espace mental plus que paysage) de Rodolphe Perret, ou, enfin, les éléments d’une figuration qui témoigne vraiment de notre « merveilieux moderne » : M. Raysse et B. Rancillac. Dans cet éclectisme d’expressions qui puisent leurs sources hors de la stricte limitation (toute arbitraite) des frontières, il faut voir le ferment d’un art qui trouve son accord fondamental avec une société elle aussi diversement alimentée par des apports venus des quatre points de l’hori-zon. Ainsi l’art jeune en France comme ailleurs reflète un société qui cher-che son unité hors de ses frontières. Ce que la politique ou le commerce ne parviennent pas à établir durablement l’art, par nécessité, le réalise. J.-J. L. Photos M. Vaux, Shunk-Kender. Yves Dubois. J. A. França Sur les jeunes artistes franco-parisiens. …Les jeunes — mais où sont-ils? On ne les voit que rarement: il faut aller chez eux, grimper les escaliers de leurs ateliers minables. Les grands marchands les ignorent; les petits les craignent… Nous disposons pourtant d’un instrument d’analyse assez convenable. Ne le délaissons pas, et souvenons-nous que les jeunes critiques ont choisi 79 artistes dans les quatre Biennales de Paris, entre 1953 et 1965. Parmi ces 79 artistes il n’y a que 39 français: juste la moitié, comme par hasard. Ce résultat traduit une certaine liberté d’esprit, une certaine générosité; il représente sans doute aussi la situation cosmopolite de la vie artistique parisienne, mais il ne signale pas moins un dosage assez faible dans l’apport français au niveau de la plus jeune génération des peintres et des sculpteurs. Il ne fait pas de doute que nous travaillons sur des données valables: si la Biennale est fort discutable comme cri-tère international d’information, elle offre que!ques garanties en ce qui concerne le choix des critiques qui, du moins, représente une prospection, voire une enquête — et une compensation des servitudes du marché. Autrement dit, si ce n’étaient les jeunes critiques, qui aurait pu faire un choix significatif dans le domaine des jeunes — des « moins de 35 ans » ? Un choix du dedans n’est pas nécessairement le meilleur, mais illusoire ou sectaire, il définit les illusions et les polémiques de la géné-ration en cause. Positif ou négatif, il s’agit d’un choix réaliste. …Voici donc une trentaine d’artistes français de la génération entrée en scène entre 1955 et 1965. Quel a été son apport dans l’ensemble d’une conjoncture esthétique soudainement marquée par l’offensive anglo-saxonne et par la querelle des « centres » au sein d’un Occident décentralisé? Pour une fois attachons-nous aux lieux de naissance (c’est la règle du jeu) — excluons, excluons, excluons… Que nous reste-t-il ? Laissons bien entendu de côté les « collants , les suiveurs qui comptent un peu trop sur la rapidité de l’information. Le « Pop-art » et les « happenings » leur ont offert un terrain d’élection ; « Op-art » les voit un peu hésitants, car ils ont manqué le train à la gare Vasarely. Les objets d’une « anti-peinture » plus risquée ? C’est le « nouveau réalisme » — et on doit sans doute à Restany une proposition dynamique qui a fait sauter la création esthétique française hors de certaines ornières. Les « déchi-reurs d’affiches », eux ont su créer des « environnements » déjà en 1959 et Yves Klein a été l’indicateur privilégié de nouvelles voies, ce:ui qui osa avoir et vivre des idées. Il serait difficile d’atfirmer que les idées, les bonnes, courent les rues de la peinture française après la mort de ce Niçois né en 1928, qui a sa place parmi les dix créateurs les plus impor-tants de sa génération. A-t-il des compagnons français — des peintres, des sculpteurs de moins de 40 ans? (La règle du jeu nous interdit toujours de par’er des autres: l’âge civil l’emporte sur l’âge des artères, bien qu’il ne suffit pas d’être jeune pour être jeune — ni pour avoir raison…) Duprey, certainement. Delahaye? Viseux? Arman ? Niki de Saint-Phalle? Rancillac pendant un moment ? Claude Georges? …Mais on ne saurait ignorer que l’art ne vit pas seulement d’idées et que « ce besoin de chercher autre chose, d’autres moyens, d’autres techniques, d’autres styles » dont parlaient les jeunes critiques de la Biennale de 1961, n’épuise pas une quête du réel. La peinture elle-même, la « peinture-peinture », langage structurel, demeure derrière ces miroirs un peu trop vides de certaines recherches. Il faut aussi comprendre que la peinture des « années-Bissière » au-delà des formules d’une lignée naturaliste peut s’intégrer dans un code plus large de signes abstraits. Je pense surtout à Miotte (né en 1926, il était présent dans la première Biennale), mais je pourrais penser à d’autres peintres que les jeunes critiques un peu trop pressés (il ne faut pas non plus être dupe de la jeune critique » : voir remarque ci-dessus) ne regardent pas assez. Ces peintres, refusant la mode, définissent plutôt un mode d’action. Ils ne sont certainement pas des « peintres à idées », mais ils sont des peintres intelligents. Des peintres qui s’engagent en profondeur dans notre temps …Maintenant que la jeune génération est mise en question, et ic même, ne serait-il pas le moment de s’interroger sur le rôle relatif des idées et de l’intelligence dans la définition de l’art français du XX’ siècle J.-A. F. Rodolphe Perret.