Germain Perron Julien Alvard Courants d’air. C’est par une mutation du goût de la violence qu’un certain nombre de peintres ont été amenés à réorienter, repenser et re-sentir leur peinture. Cette violence, en soi révélatrice de problèmes très comp:exes, a montre deux voies (entre autres) étrangères finalement l’une à l’autre. L’une, se butant sur une irritation toujours plus grande, en face d’un monde trop compréhensif et de plus en plus mou d’où l’on ne voyait sortir que des académismes de sécurité, explosait dans la rage ou dans le nihi-lisme; dans le geste et la tache de 1950 ou dans la dérision des psycho-logies, aussi bien celle des collectionneurs que celle des oeuvres, moquerie universelle de ce qu’Adorno appelle l’industrie culturelle. L’autre, prenant pied sur une autre rive sans même s’en rendre compte, a transformé le combat dos au mur de l’action painting en une prise de possession d’un espace transparent et profond comme on le voit surtout chez Duvillier. Les nuages: cela paraît dérisoire et pourtant cela existe au point que des peintres au sommet de leur carrière ont éprouvé le besoin de faire un pas dans ce sens. A un moment cù l’on cherche avant tout à situer socialement les évé-nements, ce’ui-ci se prcduit dans le temps que se développe une vague d’évasion hors des vil:es cù l’on pense que bientôt peut-être il ne sera plus possible de vivre. Cette panique, cet asthme, ccmme l’appelle le docteur Loras, n’est cependant qu’un phénomène avant tout psychologique. Il y a peu ou prou, dans la tendance des peintres dont nous nous sommes proposé de parler, une tentative de conjuration de cette panique. Ce ne sont pas les moyens du Club Méditerranée parce que le niveau des réactions se situe diffé-remment selon le cas. Il faut donc souligner ce que ces peintres apportent de positif dans le passage à la surconcentration urbaine. C’est une issue pour sortir des conduites d’échecs, une nouvelle conception de la nature dont l’air est devenu l’élément obsessionnel par excellence. Plus encore, l’accession à l’air confronte la domination de l’espace physique, celui des cimes et celui du cosmos, comme elle touche à l’inves-tigation de « l’espace de dedans » mis dans toute sa lumière par Henri Michaux. Aussi les peintres dont nous parlons, qu’il s’agisse de Benrath ou de Lerin, de Marcelle Loubchansky ou de Guy Lévêque, de Rodolphe Perret ou de Germain Perron, traduisent tout à la fois le désir et l’angoisse de l’espace. Leur nature bizarre et tourmentée subit comme une fixation ce singulier appel du vide qui signifie à la fois leur anéantissement et leur réalisation. Certains, comme Laubiès, cherchent davantage la maîtrise que la soumission romantique à ces orages, comme du reste Bartoli ou Maiello. D’autres, comme Graziani, y mettent au contraire un romantisme païen dont il est probablement le seul à tenir le flambeau. Angoisse, air, cimes, profondeur, ce n’est pas un dénominateur commun, plutôt des chaînes d’évolution qui suivent leur cours. J. A. Lerin Benrath