CINQ RECHERCHES par Patrice Goulet Les cinq oeuvres présentées ici sont parmi les meilleures. Chacune est caractéristique d’une tendance. Les trois premières sont trois facettes d’un même monde, trois reflets d’un même visage. Leur point de départ est leur vision de la civilisation qui les entoure, leur connaissance dépend de l’actualité, leur moyen est l’ima-gination ordinatrice, leur objectif est de satisfaire un « milieu social ». La réalité, la première, la plus modeste, l’accepte totalement et borne son rôle à régler des problèmes techniques ; la seconde, la plus intelligente, la plus intellectuelle, recherche un moyen de l’organiser ; la troisième, la plus ambitieuse, la plus imaginative, veut non lui obéir, mais la dominer, non la suivre, mais la précéder. 1. L’architecture ? Un métier Toute l’oeuvre de Maillard et Ducamp peut se résumer dans cette réponse. Fuyant l’exhibitionnisme mais refusant tout camouflage, doutant de la valeur de l’oeuvre d’art expression d’un individu, ces architectes s’accrochent avec ténacité aux problèmes les plus concrets. Simplicité, sobriété, vérité, efficacité ; chaque élément doit être à sa place ; rien ne doit être oublié, maltraité, exhibé : structures, maté-riaux, organisations se plieront totalement à cette règle. Mais il ne suffit pas de produire une architecture « solide » qui n’est pas d’ailleurs sans rappeler celle de l’Angleterre, il faut aussi l’adapter aux nécessités actuelles : être raisonnable ; or, flexibilité et riaux, organisations se plieront totalement à cette règle. Déjà les études des centres sportifs de Meaux et de Briançon pré-cisaient l’évolution : leurs volumes n’étaient plus constitués par une forme générale continue, comme à Melun ou à Alençon, celle-ci s’était fractionnée en éléments semblables juxtaposés, d’une plus grande simplicité de structure ; le rythme de leur succession prenait ainsi une part essentielle dans l’architecture. L’industrialisation va non seulement accélérer cette évolution mais aussi véritablement faire basculer la hiérarchie des études : sera déter-miné en premier lieu et indépendamment d’un projet particulier un élément de base, véritable container, dont la répétition et l’assemblage constitueront à eux seuls l’architecture. Que les programmes de piscines se ressemblent et qu’il faille en construire un grand nombre, cela justifie-t-il cette conception ? li n’y a pas mille solutions avec un jeu restreint de tels éléments et de toute façon ces solutions ne seraient-elles pas étudiées d’une façon bien plus rationnelle par une technicité ? Ce qui est frappant dans de telles études, c’est la disproportion entre l’ampleur du problème et les moyens d’une simple agence d’architectes. Cernés par trop de difficultés, dues en particulier aux impératifs de prix, ceux-ci sont en effet véritablement acculés à ne pouvoir étudier qu’une unité d’espace qu’il suffira ensuite, moyennant quelques variations minimes, d’additionner pour obtenir un projet. Ce n’est pas que le projet ainsi obtenu soit mauvais (ici, bien au contraire, il semble que ces conditions difficiles aient forcé ces archi-tectes à donner le meilleur d’eux-mêmes), mais bien que sa multiplica-tion ne pourra être que monotone. Ce ne sont pas des organisations ou des implantations différentes qui modifieront la silhouette générale. Il faut bien reconnaître qu’il y a une différence énorme entre assembler des blocs de matières ou des morceaux d’espaces. Cette architecture, qui veut préserver sa place devant l’industrie, ne va-t-elle pas plutôt vers son absorption ? Peut-on penser que les limites qu’elle s’est créées, les maîtres qu’elle s’est donnés puissent la sauver ? 2. L’architecture ? Le développement d’une structure Comme les oeuvres réalisées de Maillard-Ducamp, la crèche, la bibliothèque d’enfants, le centre E.D.F. et le village de Cap-Camarat de Renaudie, Riboulet, Thurnauer et Véret ont peu d’équivalents en France ; cependant, ces réalisations échappent bien peu à l’influence de Le Corbusier, c’est-à-dire à une architecture définie il y a déjà bien longtemps. Les projets de Gigaro et de Saint-Denis sont bien plus intéressants, pas tellement du reste par leurs objectifs finaux : concentration, conti-nuité des constructions, variations des espaces et de leur échelle, prise en considération du relief reconnu (Gigaro) ou créé (Saint-Denis) que par la méthode employée pour y parvenir. Il faut rappeler ce qu’était le plan libre de Le Corbusier : un cadre dans lequel on pouvait agir à sa guise, en fait une structure qui libérait des problèmes techniques et dans laquelle on pouvait installer les espaces que l’on voulait dans une organisation souple, aussi souple qu’on le désirait (la villa Savoye et le projet d’urbanisme d’Alger en sont les plus célèbres exemples). Cette idée est ici évidemment présente, mais transposée, il ne s’agit plus d’une ossature concrète mais d’une structure virtuelle, déterminée par le programme et les conditions du projet, déterminante de sa forme et de son organisation ; c’est aussi surtout la rencontre avec une géométrie propre à l’étude et qui veut en être l’expression évidente, géométrie qui se traduit par une trame rigoureuse. Cette méthode tend à résoudre le problème posé par la nécessité de maîtriser entièrement un projet important tout en lui donnant le maximum de vie dans un laps de temps très court. Elle doit permettre de replacer le hasard ou plutôt l’action de l’émotion dans une arma-ture aussi solide que celle due à la durée très longue et au cadre traditionnel des croissances organiques des anciennes cités. S’il faut insister ici sur cette méthode, c’est que le projet pour Gigaro en présente une démonstration particulièrement claire. La trame géométrique est bien spécifique à la solution volumé-trique de l’ensemble. Elle contient aussi véritablement la meilleure charge potentielle d’une grande flexibilité, d’une grande souplesse dont le meilleur développement semble être indiqué par les premières études de plans (A, p. 26). Compréhension du site, homogénéité des volumes construits, diversité des espaces et des parcours, multiplicité des tracés d’appar-tements : le résultat serait convaincant s’il ne manquait l’expression définitive de l’architecture. Il est dommage que cette étude n’ait pu être poussée davantage et qu’on ne puisse ainsi juger si les espaces créés eussent été véritablement vivants. Si Gigaro bénéficiait d’un atout très important qui résidait dans des conditions particulièrement définies dues surtout au caractère du site, il en allait tout autrement pour le projet de l’ensemble de Saint-Denis. Le terrain n’ayant pas de relief, seules les conditions du pro-gramme pouvaient déterminer la structure géométrique. Or, si la solution semble bien répondre là encore aux objectifs énoncés : conti-nuité des constructions, création d’un relief, raccordement aux milieux environnants, concentration ponctuelle autour des circulations verti-cales, composition plus souple et d’une échelle inférieure au niveau du sol, elle semble cependant bien schématique. Comme à Gigaro, la solution est essentiellement plane et ne se développe dans l’espace que par superposition. On retrouve ainsi les limites du plan libre de Le Corbusier où les planchers étant déterminés, il n’y avait de liberté que dans le tracé des plans aux différents niveaux. Les espaces créés ne sont-ils pas plus aboutissement, conséquence que point de départ ? La place de ces structures doit-elle être si grande, si déterminante qu’elles sont en réalité toute l’architecture? N’est-ce pas là encore une recherche aux limites artific eelé rr créées où l’on obtient la liberté par la mise en place d’un car ^u (Suite page 32. gpi