La Maison Infinie. 1960. • La forme de la maison infinie… se déduit d’une manière de vivre qui est plus orientée vers les vérités fondamentales que vers la mécani-sation dans l’installation et l’aménagement de l’intérieur ; autrement dit, elle concerne une ma-nière de vivre qui se veut primitive. Les dimensions en hauteur, largeur et en pro-fondeur des diverses parties prévues pour les repas, le repos, la vie familiale ou l’isolement déterminent les proportions et la forme de la maison. Ce sont des espaces exactement définis et non point des cavernes. Chacune de ces parties peut être isolée des autres ou bien communiquer avec elles, selon le besoin, de façon à créer ur espace, une maison infinie. p. 32-33 amieedseemena 11111111111138•101MILIIIIIIierlifflaift Le Théâtre universel. 1962. • Projet Ford Foundation (The American Federa-tion of Arts) pour un grand théâtre urbain de 2 000 places. « Ce que j’ai trouvé nécessaire de créer, c’est une galaxie d’une grande variété d’unités d’espa-ces tous dans une construction en tension conti-nue comprenant: un grand théâtre (avec des transformations à usages multiples), un petit théâtre de 600 places, un centre commercial et, au-dessus, un gratte-ciel de 30 étages avec salles de répétitions, des bureaux et trois salles de projection pour la télévision et quelques locaux d’ambiance qui permettent de garder vivant et animé cet ensemble à chaque heure de la jour-née et du soir. p. 34.35 Le Sanctuaire du Livre. Jérusalem. 1961-65. en collaboration avec Armand P. Bartos. • Il comprend 16 unités différentes, fortement contrastées les unes par rapport aux autres, tout en respectant le but final qui est la cons cience d’un grand passé et d’un grand avenir. Le sanctuaire est ainsi une expérience d’ar-chitecture idéologique, supplantant l’architecture pseudo-fonctionnelle d’il -y a cinquante ans qui s’inspirait pour son style des progrès technolo-giques de la science et des matériaux soi-disant modernes, mais oubliait l’être vivant dont te désir est une corrélation du connu et de l’inconnu, une dédicace à l’amour et la conscience de la mort inévitable. (Fhotos A. Lautier, D. Rubinger, A. Bernheim.) p. 36.37 • Faisons machine arrière. Rentrons en nous-mêmes. Devenons nos propres troglodytes. Nous pourrons alors, à nouveau, griffonner nos croyances sur les murs. Car toutes les cavernes se ressemblent et tous /es griffonnages sont semblables. • Alors nous vivrons ensemble ! Les cloisons de séparation ne seront que les murs mitoyens d’un édifice unique et illimité. La Folk Architecture est née. • Je répète aujourd’hui comme il y a vingt-cinq ans : — Nous voulons que l’on transforme en habitation l’espace sphérique et que l’on cesse de nous contraindre à loger dans les cratères isolés des villes et des villages. — Nous voulons des maisons qui ne soient pas des murs avec ou sans ornements, et dont les fondations ne s’appuient pas sur un esprit de caserne. — Nous voulons une construction basée sur un système de libre tension dans un espace libre. — Nous voulons la création de nouvelles possibilités d’existence qui aiguilleront l’évolution de la société sur une voie nouvelle. • On a fabriqué assez d’architecture livresque. Nous ne voulons pas en sortir la dernière, la super-dernière édition. Nous voulons des demeures dont l’élasticité soit égale à celle des fonctions vitales. • Notre but est la création d’une architecture populaire. Plus d’architecture singée de la Renaissance ou de la Grèce ! Plus de féoda-lisme, plus de pseudo-fonctionnalisme ! Et pas de retour à la nature. Extraits du « Manifeste du Corréalisme ., par F. Kiesler. Editions de « l’Architecture d’Aujourd’hui », 1947. T.H.C. Est-ce que vous rapprochez les structures en tension continue et l’élément spatial ? • Kiesler. Nous étions — jusqu’au moment où nous avons fait des satellites — de vrais isolationnistes en ce qui concerne l’espace. Mais quand /es premières fusées ont été projetées dans le vide de la nuit pour y rester sans être attachées par un moyen mécanique, ce fut le choc. Maintenant, notre existence entière devient de plus en plus proche de chaque chose qui nous entoure, en corrélation avec non seulement le destin de notre petit moi ou de notre terre mignonne, mais aussi de notre système solaire, et avec une partie au moins d’une supergalaxie toute puissante. Il éveille en nous un nouveau sens de la continuité active loin au-delà de la compréhension de nos cinq sens, sans être hors d’at-teinte de notre instinct. Ce sens ravivé de la continuité croîtra pour devenir finalement le nouveau sens le plus important que les êtres humains développeront. Pourquoi les gens s’intéressent-ils subitement à ia construction de la Maison Infinie. Elle était prête il y a trente-cinq ans, quinze ans, ou cinq ans.., Quand je suis arrivé en 1926, j’avais les coupes et les plans de la Maison Infinie avec moi, Ils avaient été exposés à Vienne en 1924, et ont été affichés en 1926 dans une exposition à New York, organisée par le Cercle du Théâtre. La seule personne qui y ait prêté attention était Harvey Wiley Corbett… Il disait « Bien que je ne comprenne pas vos plans, car vous, les Euro-péens, vous semblez dessiner d’une façon abstraite,. cela me fascine et j’aimerais construire la Maison Infinie. Voulez-vous vous joindre à nous pendant une année ou deux? » Et c’est la raison pour laquelle je suis resté aux Etats-Unis, Harvey Wiley Corbett m’a pris comme associé dans sa firme. Le chef d’agence à l’époque était Wallace K. Harrison. C’était en 1926, 1927, 1928. Naturellement il n’en est rien résulté. Corbett ne pouvait pousser la Maison Infinie, mais il la sentait, sachant que tôt ou tard, elle serait construite. Philip Johnson est venu avec Henry Russel Hitchcoock pour examiner les plans de mon travail. Parmi nos amis du groupe De Stijl, on savait que j’avais dévié du quadrat » mais van Doesburg me soutenait avec enthousiasme, ainsi que Mondrian. Les autres avaient des doutes, Mies était neutre et réservé. J’étais terri-blement pauvre, parce que les rêves de Corbett n’abou-tissaient pas, j’avais un salaire de 1 000 dollars par an. J’ai fait plusieurs projets pour des amis en vain. Beau-coup de personnes faisaient des propositions — sans offrir de payer. Je travaillais dur, mais rien n’aboutis-sait. J’espérais tant que quelqu’un comprendrait, mais voyez-vous, le temps n’était pas mûr, aucun ami ne Pouvait changer cela. J’avais établi des plans pour une construction qui ressemblait à un oeuf, et non pas à la boite habituelle. Elle n’était pas carrée, elle n’était pas métallique, elle n’était pas en verre, ni en aluminium, c’était tout-à-fait en dehors de la mode du style international… T.H.C. Quand j’ai écrit les articles sur le nouveau sen-sualisme j’ai spéculé sur la possibilité que les gens pensent en termes plus émotifs aujourd’hui pour un grand nombre de raisons. Je ne pensais pas aux intérêts en espace-temps et en espace, mais plutôt à la réac-tion émotive envers la super-efficacité. • Kiesler. Ceci est vrai, mais tout se tient. Parce que la conquête de l’espace conduit, naturellement à une préoccupation de votre monde dans ses moindres aspects. Ce que l’intérêt pour l’espace a suscité, c’est la conscience du destin de l’homme dans un monde ébranlé dans ses croyances traditionnelles en ce qui concerne la religion, plus tard la science et mainte-nant les superstitions envers la technologie. Cette cons-cience soudaine du progrès aux yeux bandés a planté une crainte terrible dans nos coeurs. Personne n’est immunisé. Elle a créé un nouveau climat émotif, dans lequel nous commençons à ne pas nous soucier des robots ou même de bénéfices matériels ; nous voulons vraiment sauver nos petites vies, nos petites satisfac-tions émotives pour vivre dans une paix émotive, dans un état psychique équilibré. Naturellement, la plus grande grâce salutaire est la force intérieure, mais tout le monde n’est pas Gandhi. Si vos calculs se brouillent et si vos croyances s’ébranlent, vous vous tournez vers votre propre source de sécurité, qui est l’instinct. Les animaux savent bien ce qu’il faut faire dans les moments de danger ; ils se sauvent, ils se cachent, ils se roulent en boule, ils font le mort. Ils cherchent la liaison avec la terre, le soleil et le ciel. C’est plus ou moins notre situation actuelle en ce qui concerne l’art et l’architecture. Nous commençons à être conscients de tout l’attirail social et technologique avec lequel nous vivons, et nous nous demandons si c’est nécessaire. Notre cerveau ne peut plus donner la réponse. La méditation n’est-elle pas l’état où les réponses sont données à vos questions les plus importantes parce que votre esprit s’immobilise? L’émotion nous aspire comme la turbulence de l’espace et elle crée sa contre-partie — la paix intérieure. Voyez-vous, là, vous tenez la meilleure description de la Mai-son Infinie, et je ne m’attendais pas que ce soit si facile à définir ! T.H.C. A votre avis, que se passerait-il si les architec-tes en général commençaient à s’intéresser à ce que vous avez fait et à votre approche. Cette sorte d’archi-tecture indisciplinée n’est-elle pas dangereuse pour la plupart des gens ? • Kiesler. Je peux vous l’assurer, ce sera comme si on leur donnait de la marijuana. Je suis sûr qu’il sera beaucoup plus facile de découvrir le sophisme d’une imitation — beaucoup plus que dans les produits et les formes fonctionnels et rectangulaires. L’adaptation, l’imi-tion sont à l’ordre du jour, et ceci s’applique à l’art et à l’architecture, aux dialogues de films, à la littérature. Aucune idée ne semble avoir le temps de prendre racine ou de pousser dans sa propre terre. T.H.C. Que peut-on faire au sujet de la multiplication des idées d’aujourd’hui, du chaos dans les formes ? • Kiesler. La clé en est la continuité et la multiplicité d’une idée. L’idée centrale est en vous, mais vous ne savez pas quand, et si, elle va éc/ore. Mais on peut apprendre à la reconnaître par les événements corol-laires; dans mon cas, par exemple, par l’intérieur mobile de l’Empereur Jones; par la continuité infinie de la méthode d’exposition du L et T, dans mon mural galaxial comprenant des éléments multiples des peintures de l’année 1918 et repris en 1950 ; dans la maison spatiale de 1936; dans la constellation ou la « sculpture envi-ronnante » de 1947 ou celle possédée par Philip Johnson (toutes les deux sont des sculptures « habitacles »), dans les dix-huit fonctions de la chaise de la galerie Peggy Guggenheim, certainement une extension et une variabilité d’un simple noyau — ceux-ci et d’autres projets, quelques uns étudiés, quelques uns exécutés, tout à tait différents en ce qui concerne la fonction et la forme, néanmoins dans la même veine et du même esprit… T.H.C. Puisque vous vous êtes toujours intéressé à la continuité plutôt qu’à la rectangularité, pensez-vous que l’espace rectangulaire restreint nécessairement la liberté d’esprit ? • Kiesler. Ceci est vrai et taux à la fois. En réalité nous vivons avec des associations et un espace rectangulaire est par association et expérience un espace confiné ; mais il n’y a pas d’inconvénient à ceci, puisque nous voulons vivre dans un espace confiné, nous voulons être protégés, pour ainsi dire, du monde extérieur. Ce qui est important c’est la nécessité de restriction provi-soire — pas nécessairement une boite; elle pourrait êt-e aussi bien et probablement mieux sous une autre forme. Quand le moment vient où nous désirons dépla-cer un mur, respirer plus profondément — quand nous voulons soulever le plafond ou changer la forme complè-tement, voici le moment d’introduire la Maison Infinie. Parce qu’elle a une double expression • d’abord, elle a la réalité des murs, du plafond et du plancher comme ils sont, et comme ils sont liés entre eux, mais aussi un système d’éclairage qui s’appuie sur les segmenta-tions différentes des surfaces, pour que, en le modifiant, on puisse agrandir ou rétrécir l’intérieur. Vous ne pou-vez pas réaliser ceci avec des boîtes; ce n’est pas clans leur nature. T.H.C. La Maison infinie a été critiquée co impraticable — comme de la sculpture-peir conception est-elle utilisable et jusqu’à q e Kiesler. La Maison Infinie n’a rien à voir la forme libre, comme nous le comprenons Ce n’est pas seulement une forme sculptu ensemble coordonné de surfaces stricteme nelles, toutes différentes en hauteur, en en forme et texture.