• Architecture fonctionnelle : au début libération d’un fatras (formes historiques auxquelles on aspire de nouveau sans l’avouer) et naissance de nouvelles conceptions de pensée. Ensuite, excuse et gêne : im-puissance à créer des signes, à ériger des monuments. • Architecture fonctionnarisée : accomplissement de notre confort, déroulement mécanique de l’existence, liquidation de la fantaisie, de l’imagination, de la vision, de l’intuition. La pensée de l’architecte s’épuise dans les calculs de rentabilité d’études fonctionnelles, de lignes d’accès, de détails de construction. • L’architecture conforme à la fonction : ici je mange, et là je dors. Ici je travaille, et là je lis. L’architecte l’a bien étudié. Tout fonctionne. Où rire et où pleurer ? où haïr et où respirer ? Où subir l’étendue et l’espace limité, la grandeur de la faiblesse, la protection et la liberté? • L’architecture : pas seulement la place pour une partie de la vie. La place pour toute la vie, pour l’homme entier. • « L’art de construire se trouve au-delà des questions d’utilité » (Le Corbusier). ▪ ARCHITECTURE LIBRE DE FONCTIONS donc? L’archi-tecture, qui n’est pas dictée par une fonction maté-rielle. • La pyramide de Chéops a un volume construit de 2 580 000 m3. Le volume < utilisé » est de 296 m3. • Le temple maya à Chichen ltza a un volume construit de 51 000 m3. Le volume « utilisé » est de 80 rn3. ▪ Le palais de Xpuhie est flanqué de trois pyramides et de temples. Les pyramides et temples n'ont pas de volume intérieur utilisable. On ne peut gravir leurs marches (80. d'inclinaison). Le volume construit est de 7 500 rn3, le volume • utilisé » de 700 m3. ■ La cathédrale de Reims a un volume construit de 210 000 m3. Pour remplir sa fonction 50 000 m3 seule-ment auraient été nécessaires. ■ Piranese intitule quelques projets • Carceri » (prisons). Ce sont des pièces grandioses, finalement sans utili-sation. • Ledoux dessine des maisons en forme de sphè.-es, py-ramides, anneaux. La valeur symbolique de la forme détermine le bâtiment. Il pourra être utilisé pour n'im-porte quoi. Ou bien il pourra n'être pas utilisé du tout. Ceci reste de l'architecture. ▪ Taut et Scharoun rêvent de verrière. Quelle fonction a-t-elle? La verrière est une idée, maintenant une idée déjà historique. ▪ Rietveld agrandit ses constellations de pièces panneaux. A Utrecht, on peut les utiliser comme maison (maison Schroder). • Malevitch et Vantongerloo relient des masses sans in-térieur. Ce sont des exemples pour l'architecture com-pacte et différenciée de notre époque. • Les tours de Simon Rodia, à Watts, Los Angeles, ne sont pas utilisables: un jeu et un caprice, signe et monuments. • Le monument de Constantino Nivola : des rues, for-mées par des • maisons » sans intérieur. III Le musée Guggenheim, de F.L. Wright, est un étran-ger dans son environnement. Il renferme un espace grandiose, les tableaux sont suspendus de manière insolite. C'est l'espace qui pourrait être utilisé pour n'importe quoi. C'eSt l'espace au-delà du fonctionna-lisme. • Les laboratoires de Louis Kahn : les pièces sont trop petites, trop peu adaptables, difficiles à installer, les paraoets sont trop bas, les impostes sont collées à l'aide de papier, les auditoriums ont de fausses fenê-tres, des couloirs étroits, des gaines • auxiliaires » complètement vides. Malgré tout, c'est une des archi-tectures les plus fortes du présent. ▪ ARCHITECTURE LIBRE DE FONCrIONS. La fonction est comprise d'une manière complètement différente. L'ar-chitecture n'est pas primairement l'édifice pour certai-nes fonctions déterminées. L'architecture ne comprend pas la fonction, elle est fonction elle-même. ■ La fonction de l'architecture: PROVOCATION. • PROVOCATION : création, invocation, proclamation, ani-mation, excitation, attaque, scandale, protestation, démonstration, révolution, affirmation, agression, dis-pute, question, invitation, incitation, encouragement, exigence. • ARCHITECTURE PROVOCANTE: l'homme la sent, il a un contact avec elle, il est ému, excité, enchanté, heurté, comblé, torturé, confronté. L'homme peut créer, chan-ger, soigner et détruire l'architecture. • « Ma maison est pratique. Tous mes remerciements. Les mêmes remerciements que ceux adressés aux in-génieurs des transports par fer et des télécommunica-tions. Vous n'avez pas touché mon âme. Mais les murs s'élèvent devant le ciel dans un ordre qui m'émeut. Je sens votre intention artistique. Vous étiez doux ou vio-lents, aimables ou dignes. Vos pierres me le racontent. Vous me fascinez à cet endroit et mes yeux regardent. Mes yeux voient quelque chose qui décèle une pensée. Avec des matières brutes vous avez créé des relations qui m'ont profondément touchées. Cela c'est l'archi-tecture » (Le Corbusier). • L'architecture provocante: une architecture humaine? humain ? une idée usée à mort. Entendons-nous bien : le côté gentil, maniable, obligeant, à l'échelle, de bon goût et bien proportionné? L'architecture, dans laquelle l'homme se trouve parfaitement à l'aise. ■ 1..;humain : le reflet de la grandeur de l'homme, le reflet de sa force de témoigner par quelque chose. ■ TEMOIGNER et ERIGER des monuments. ■ Créons-nous des monuments (pas de monumentalisme) en tant que reflet d'une puissance (et pas de la pré-puissance) de l'homme. ■ Les TEMOIGNAGES et SYMBOLES pour les puissances actuelles (pas pour les puissants) seront à créer. Té-moignages provocants. ▪ Témoignages pour qui ? Symboles pourquoi ? Architecture symbolisée: FORCE (Kahn) et faiblesse. PUISSANCES (pyramide) et impuissance. IDEES (Le Corbusier) et manque d'idées. FOI (cathédrale) et incrédulité. COMMUNAUTE (Scharcun) et singularité. POLITIQUE (Vesnin) et machination. VISION (Saarinen) et égarement. PASSION (Gaudi) et souffrance. ■ Gunther Feuerstein. Article publié par la revue « Bau (Vienne, Autriche). N« 1. 1965. Pyramide de Chéops à Giza. Maya. Castillo de Chichen ltza. FONCTION :PROVOCATION • ■ La véritable • fonction » de l'architecture? Refleter, refléter d'une manière provocante les facteurs spirituels et sociaux (et les fictions). Construisons le monument, l'espace, la figure à titre de reflets des forces et non pour l'accomplissement des fonctions. Utilisons les édifices pour quoi que ce soit ou bien pour rien. ■ Construisons les témoignages, les espaces et les figures pour la SOCIETE. ▪ Rencontrer les autres hommes -- les amis, enfants, ennemis, filles, profiteurs de guerre, saints, généraux — ceci se passe en architecture. Rencontrer les autres idées — ceci se passe en architecture. • Comment rencontrons-nous les êtres humains? Com-ment se reflète l'idée? Voilà les questions décisives de l'architecture, et non pas celle de savoir si la façade sera rayée ou écossaise, si on construira avec du béton apparent ou avec des briques. • Construisons les édifices. Mais laissons de la pieu,: pour beaucoup de choses humaines: le NAIF, le BRICOLAGE, le TAPE-A-L'ŒIL, le HASARD, l'ACCESSOIRE, l'INSUFFISANCE, l'ILLUSION, l'IMPROVI-SATION, le CHANGEMENT. • Sculpture : symbole de l'homme, de l'humain. Symbole pour les catégories de l'humain (Vantongerloo et Ma-levitch). ■ Architecture : symbole de la coexistence humaine. Symbole de la société (Scharoun). Symbole de la foi (cathédrale). Symbole de la puissance (Le Corbusier). ▪ Sculpture et architecture : les deux ont en commun les symboles, la valeur générale. Sculpture et architecture : les deux sont espace (André Bloc). ▪ ESPACE: distances, volumes, rapports tridimensionnels. ■ ESPACE: relation de volume mystérieuse et pleine de tension comparable aux tensions de la communauté humaine. • ESPACE: la pièce, la maison, la place, la ville, la terre, l'univers en sont déterminés. • Architecture: PROVOCATION, TEMOIGNAGE, ESPACE. Vesnin. Immeuble le la Pravda. Rietveld. Maison Schroder, Utrecht.