NATURELLE par Julien Alvard. C’est certainement dans cette direction que la volonté de puissance I l’humanité peut le mieux s’exprimer. On n’en est pas encore à l’Himalaya, il lis on en prend le chemin. Toutefois, le phénomène de l’abondance joint à celui de la concentra-:ion des moyens financiers offre des possibilités dont on n’aurait jamais pu supposer la force et l’énormité. La socialisation des Etats modernes n’oppose qu’un frein de plus en plus réduit aux projets trop ambitieux. Le second point sur lequel l’influence de la nature se traduit aujourd’hui, :’est l’apparition de la sculpture-architecture. On a pu voir deux mouvements concommitants rapprocher les deux bouts Je la chaîne, d’une part les sculptures-demeures d’Etienne Martin, d’autre Dart la chapelle de Ronchamp de Le Corbusier. Depuis on a vu l’église de ,’Autoroute de Michelucci, le village de Castellaras, la maison d’André Bloc. L’architecture naturelle est-elle intervenue dans la construction de ces édifices. Avant tout ce sont des sculptures habitacles. Mais on ne peut nier des réminiscences naturelles. Si Ronchamp est le testament spirituel de rj_e Corbusier, il faut bien reconnaître que c’est là un visage futur de Parchi-,tecture (mais sera-t-il futur ?) bien différent de celui qui paraissait être ;l’unique ressource de la socialisation de l’urbanisme. Ce qui est à noter, c’est que l’architecture Mondrianesque progresse en imême temps que revient un goût sans précédent pour ies choses sauvages et primitives, goût que l’archéologie et l’ethnographie développent à l’envie pn mettant sous nos yeux des vestiges, des coutumes, des techniques dis-parues qui, pour être dépassées, n’en ont pas moins guidé le comportement des hommes avant que nous ne devenions tellement savants. a Que signifie ce goût ? n’exprime-t-il que le regret du passé ou manifeste-t-il aussi le désir de rester en contact jusqu’à la dernière minute avec ce coue l’évolution actuelle condamne tous les jours irrémédiablement. La nature semble souffrir de cette accélération du progrès; ou plutôt f-ious en souffrons pour elle. Son martyre (vrai ou imaginaire) nous conduit « a la regarder davantage, ,à en chercher les détails avec les yeux comme avec Ie coeur. Il y a donc toute une disposition non seulement bienveillante mais obsédée par l’indélicatesse de notre attitude qui nous pousse à voir partout ôJes choses à conserver ou à reproduire. il En sorte que ce ne sont pas tant les sociétés primitives et leurs usages lui nous retiennent actuellement que la découverte dans ces épaves d’un Photos Afrique Photo. naufrage total : après avoir regardé les primitifs, on se met à déplorer la nature avec son immense répertoire de formes intactes. Mais là c’est déjà une découverte, ce n’est plus le Parthénon qui s’écroule mais des cristaux qui s’agglomèrent, des fibres végétales ou animales qui réussissent de mer-veilleux exploits. C’est au moment où l’on ouvre le livre de ces exploits, cette légende dorée de la nature qu’il faut garder la tête froide. Une chose possible peut n’avoir aucun intérêt. Et ne suffit-il pas des ours du Zoo de Vincennes pour faire pénitence dans de faux rochers. • Nous avons réunis ici, pour mémoire, quelques uns des aspects que la nature sait prendre pour nous induire en tentation. Ces exemples sont forcé-ment liés à des habitudes de voir. Il y aura donc toujours trop de rochers, trop de sites qui nous rappellent des ruines ou des choses déjà vues. Il est très difficile de saisir des aspects véritablement intéressants pour l’architecture. La Grotte de Clamouse. Un feu d’artifice de colonnettes, de pendentifs et de tout ce que l’eau sait distiller quand on lui en donne le temps. Des grottes à stalactites et à stalagmites, il y en a partout ‘en France et à l’étranger. Les effets de l’eau calcaire dans :es grottes sont bien connus et la Renaissance italienne a su en tirer un excellent parti dans les « grot-tesques ». Même Ledoux a succombé à la tentation au porche principal des Salines Royales. Les Baux forment la plus bizarre combinaison d’habitations troglodytes de remparts naturels et de falaises calcaires. C’est un exemple assez frappant de ce que peut offrir le Midi de la France où. en particulier, dans les Causses on trouve une série de sites tous plus rocambolesques les uns que les autres. A vrai dire, l’oeil peut faire son profit de toutes sortes de suggestions qu’il s’agisse de pics, d’aiguilles et cela en Italie comme en Angleterre ou en Espagne. L’Allemagne n’est pas moins prodigue en émotions fortes qu’il s’agisse du Herz, de la trouée héroïque du Rhin ou de l’île forteresse d’Helgoland. Mais l’Europe est d’une si vieille fréquentation pour les hommes que ceux-ci en sont un peu revenus. De plus ils ont notablement modifié cet aspect. L’origine des sites est presque partout adultérée. Il est bien rare Suite p. 10.