eite Le Corbusier et F777″1 Claudius-Petit Le Corbus er et W. Bodiansky (0.N U ) Le Corbusier dans son atelier, rue Coli, Boulogne. Nungesser et • Ch Barberis, G. Rottier et Le Corbusier à Cap-Martin (11-8-1965). 114 CLAUDIUS PETIT J’attache la plus grande signification à ce moment. Cette première pierre qui rappelle la pensée que Le Corbusier place en exergue de tous ses travaux : Soleil, Espace, Verdure, rappelle aussi d’autres cérémonies. Chaque fois que nous nous sommes ren-contrés sur un chantier, c’était parce que des batailles devaient être soutenues et des vic-toires remportées. Ici, à Firminy, il n’y eut pas de bataille mais une sorte de chemi-nement. Firminy connaît votre combat pour élever les hommes au-dessus des platitudes, en leur montrant, selon votre secret, les vraies richesses de la vie contenues dans l’architec-ture inséparée de l’urbanisme. Et notre petite ville vous a appelé et vous êtes venu. (Un extrait des paroles prononcées par Claudius-Petit, Maire de Firminy, en hommage à Le Corbusier, à l’occasion du scellement de la première pierre de l’Unité d’Habitation, le 21 mai 1965 — d’après une sténographie directe.) « C’est pas tous les jours fête. Il faut attendre d’avoir perdu ses cheveux pour avoir l’adhésion. » « L’Unité d’Habitation, ça c’est un navire. Chacun y aura la liberté complète de ses pestes, l’isolement de son foyer; chacun sera libre. Cela peut paraître paradoxal mais il en sera ainsi. „ « Je vois aujourd’hui que la clé de l’Unité d’Habitation se trouve dans la nature. « Soleil, espace, verdure », je crois que nous y sommes aujourd’hui. On a oublié tout cela dans la grisaille des jours. » (Extraits du propos, très bref, de Le Corbusier devant la première pierre de l’Unité d’Habitation de Firminy, le 21 mai 1955 — d’après une sténo-graphie directe.) R. LE RICOLAIS Passés les derniers reflets des baïonnettes, les derniers roulements de tambours, quel est cet homme, pas comme les autres, sorti de la vie en slip, les yeux ouverts, tournés au dedans de la mer ? Déjà chacun le construit à sa propre image, et sa postérité se prépare à tous les héritages. Le propre du génie est d’être un exemple davantage qu’une imitation. Pour cet horlo-ger saturnien, le mot tradition n’avait aucun sens, fuyant toujours en avant, comptant plus sur des lignes que sur des mots, préférant ses intuitions esthétiques aux motivations plate-ment réalistes. Découvreur d’images, dessinateur doué, il comptait plus que sur des mots pour aller à la découverte de lui-même et cerner par des accords plastiques l’extrême ambition de ses intentions. Pictographe plus qu’idéographe, ses hiéroglyphes symboliques en disent plus long que des textes discursifs, et pourtant, com-bien savait-il aussi construire avec des mots… « Espace indicible… », n’est-ce pas le plus beau poème ?… Malgré les ordinateurs, malgré les miracles de la technologie, malgré sa désarmante can-deur (ne me disait-il pas que le Modulor pou-vait résoudre tous les problèmes i, ie suis sûr que Le Corbusier ne sera pas à la fois le plus grand et le dernier architecte des temps. Le nageur épuisé sera toujours là pour nous rappeler que rien ne remplacera pour l’homme la liberté et le devoir de créer. ÉDOUARD ALBERT D’autres on bien connu l’architecte de haute époque, brasseur généreux de profane et de sacré qu’il fût. Ils écriront leur hommage basé sur une longue fréquentation. Pour ma part, je ne peux que donner ici le témoignage rap-porté d’un court voyage que je fis seul avec lui en Méditerranée dans les années 50. A son approche, d’abord la solitude éma-nant du porteur de message soutenu par la solidité de la carrure. Cet accord bienvenu du corps et de l’esprit m’assurait dans ma pensée, à savoir que le sens de son esthétique n’exis-tait qu’en fonction de son éthique. C’était le garant d’une authenticité de style et, en corol-laire, la certitude qu’on échappait avec lui à la farce des modes. Très rapidement ensuite, sa force de soli-taire m’a semblé issue de la protestation qui le motivait et aussi de la rigueur de ses atta-ques dont l’agressivité voulait masquer sans doute la timidité et la sentimentalité naturelle du poète qu’il était. Enfin, par la curiosité obsessionnelle qu’il inscrivait sans cesse sur le carnet de croquis, j’avais cru deviner une inquiétude. Celle-ci m’a été certifiée dès le lendemain par l’inter-rogation capitale qu’il a posée au travers de moi. Nous avions été conviés dans la cabine de pilotage du DC4 qui nous ramenait sur Mar-seille pour assister à un spectacle fou : la vision en développement continu des façades de l’unité accrochées à leur terrasse architec-turée. Au milieu des cris angoissés des pas-sagers non prévenus d’un tonneau à raser les obstacles, il me lança cette interrogation : « Est-ce bien ? » Au-dessus du noeud papillon qui contrastait avec le visage grave, le front plissé, derrière la grille sombre des lunettes, son regard plein de doute rencontra le mien. ll lut dans mon sourire ma réponse et mon merci. Septembre 1965. MICHEL ÉCOCHARD « Encore, dans la cohue de ces piédestaux et de ces stèles, chercherait-on vainement la place des grands aventuriers de l’esprit, de ceux qui ont pris l’homme à bras-le-corps, l’ont sommé de se con-naître en profondeur ou l’ont mis en demeure de justifier de ses prétendus idéaux. André BRETON. Le Corbusier. ll fut un aventurier de l’esprit, il eut l’immense grandeur de penser simple. Peut-être n’aurait-il point voulu le piédestal qu’on lui fit à sa mort, lui qui toute sa vie s’éleva contre les pompes officielles qui dra-paient savamment les monuments d’une gran-deur convenue. Grandeur, il la trouvait lui, dans l’observance stricte et mesurée des rap-ports de surface, des surfaces aux volumes et des volumes aux sites. La vie est une révolution continuelle, il fut révolutionnaire jusqu’au bout, car il n’accep-tait rien sans l’avoir repensé. Il remontait tou-jours aux principes de base et ses réflexions pour la majorité des individus encombrés de connaissance, de traditions ou d’habitudes semblaient simplistes, ils disaient même « pri-maire » et c’était l’injure suprême. Et pourtant, quel courage lui fallu-t-il pour refuser les habitudes millénaires de forme d’habitat, ou proposer des groupements humains qui n’allaient plus dans le sens d’une histoire convenue, mais dans celui des temps nou-veaux dont il nous ouvrait les portes. Sans lui j’aurais peut-être été un architecte, je n’aurais jamais été un urbaniste, mais un embellisseur de ville. Je lui dois donc la partie la plus intense de ma vie : ce//e qui peut-être trouve des réso-nances avec des populations heureuses et surtout malheureuses. 11 septembre 1965. ANDRÉ BRUYÈRE Oraison funèbre. Surtout maintenant, tout éloge de Le Cor-busier, tout déferlement, a de quoi écoeurer le coeur. Mieux valait encore l’insulte. Menace vive. Pour toutes les raisons et parce que cer-tains montreurs d’éloges peuvent se servir de lui mort comme il fut fait de ces peintres morts ou de Picasso si haut coté, comme on menace au nom d’une morale pour tenter de faire refluer la venue troublante de la jeu-nesse et arrêter n’importe quel art encore dé-pourvu de référence, non admis, toute mani-festation de la spontanéité, du raccourci, cin l’évidence flagrante d’une évolution nécessaire, laquelle inquiète forcément et déséquilibre, menace le vieil équilibre acquis. Nazi? Je regarde sous les fleurs et demande qui maintenant fut jamais hostile à Le C,,,b,J:ies quel Allemand fut jamais nazi, -ni F ar-çais collabo?