106 « Arcole Simla ». 1952. Le Corbusier. Expression graphique et picturale Pendant la guerre de 1939-1945, Le Corbusier exécute des panneaux sur contreplaqué — à défaut de toiles — personnages imaginaires ou évocation de formes qui seront reprises ensuite pour des sculptures. Après la guerre, la reprise de tableaux plus anciens, le retour au thème féminin, femmes enlacées, femmes et barques sont des exercices de style, sortes de gammes, avant de changer de manière où la couleur prendra une importance, une violence et un éclat qu’elle n’avait pas encore eus. C’est l’époque des tapisseries, des papiers collés, des premières sculptures polychromes — série des Ubus — Le grand Ubu, 1949 (Fondation Le Corbusier. Paris) est un dernier exemple d’expres-sion du volume par la couleur; la série des Simlas, des Taureaux, des Icônes forme une dernière expression picturale, nouvelle étape qui ira en se dépouillant, mêlant à la fois le goût de l’arabesque, la simplicité du trait et la couleur pure par grands aplats, couleur qui n’est plus là pour suggérer le volume mais donner les différences de situation dans l’espace : rouge chaud en avant, tons plus sombres en retrait mais le plus possible harmonisés sur un même plan de vision. Le rapport des formes témoigne du souci de l’architecture du tableau. Evocation lyrique, le thème du Taureau dont l’origine se trouve dans la vision horizontale par Le Corbusier d’une nature morte qu’il avait peinte en 1920 (Lettre de Le Corbusier au Directeur de la Tate Gallery le 25-6-58 sur les conditions de création du thème) évolue dans une recherche du plaisir des formes et de leurs rapports laissant apparaître une figure humaine et un taureau. Un changement de tormat s’opère à partir de Taureau XI, format qui devient horizontal au lieu de vertical ; de plus le choix volontaire d’un grand format ainsi « Les Mains ». Tapisserie. 1951. « Taureau XII ». 1956. que l’emploi des couleurs hardies en opposition avec les tableaux puristes des premières années manifestent un désir d’éclatement, d’allégresse un peu brutale et non plus seulement de raffinement et de discrétion. Dans la série des « Icônes « on retrouve aussi le choix délibéré d’un fond coloré, de l’arabesque qui s’y inscrit et y chante. Mais ce serait limiter l’expression plastique de Le Corbusier que de s’arrêter uniquement au dessin, en tant que jet spontané de la main et langage du coeur, et à la peinture, élaboration plus poussée enrichie de ses valeurs colorées sans évoquer les autres domaines où Le Corbusier s’est exprimé : papiers collés, lithographies, émaux, peinture murale et tapisseries. Sans vouloir analyser le graphisme et les thèmes, c’est plutôt à la qualité des matières qu’il faudrait s’arrêter. La multiplicité de cette émotion avant tout linéaire, tracée de la main d’un architecte, a besoin d’un support « matière pour en exprimer la richesse et en nourrir le graphisme. L’utilisation d’éléments déjà existants pour les papiers collés auxquels Le Corbusier donne un arrangement plastique et une dominante colorée est déjà une expression fugitive; les lithographies, moyens de diffusion d’une expression qui ne veut pas rester « confidentielle requièrent l’utili-sation volontaire de papiers de formats commerciaux — papiers offsets — pour élargir le public visuel et créer le choc autrement que par l’oeuvre personnelle; l’aspect chatoyant et brillant des émaux, essai d’une nouvelle technique qui voudrait être encore un des aspects de la civilisation industrielle (du frigidaire ou de la cuisinière émaillée) démontrent ces possibilités de la matière, ce désir de la diffusion si impérieux chez Le Corbusier. Enfin apparaît la libération à grande Lithographie. 1940-43-60. Photo Malec.