Projet de Le Corbusier-Jeanneret 3 ( « Le renforcement de l’esprit académique allait être porté au maximum dans une circonstance exceptionnelle : l’élaboration des plans pour le Palais des Nations à Genève en 1927. Il ne s’agit rien moins que d’instaurer l’architecture de l’époque, de fixer sa direction, en optant entre deux tendances de la vie. L’intérêt est énorme, l’affluence significative. Trois cent soixante-dix-sept projets parviennent à Genève, qui feraient près de 14 km de plans si on les mettait bout à bout. L’académisme avait fourbi ses armes ; il veille, agit, bondit, mord et tue… Ce qui eût aidé à ouvrir loyalement la porte sur un nouvel acte de la vie des sociétés, acte ‘qu’il faudra bien jouer un jour, l’un de vos maîtres (M. Lemaresquier) — habile en ces sortes d’opéra-tions — en fait une cynique comédie, un tour de passe-passe de « derrière les fagots ‘, échappant à la justice pénale, mais non pas au verdict du temps. Le tour réussit et, dès le lendemain, le bénéfi-ciaire de l’embuscade proclamait : » Je suis heureux pour l’art tout court: l’équipe française avait pour but, quand elle se mit sur ies rangs, de faire échec à la barbarie. Nous appelons barbarie une certaine architecture ou, plus exactement, une certaine anti-architecture oui fait fureur depuis quelques années dans l’Europe orientale et septentrionale ; non moins horrible que ce style coup de fouet » que nous avons heureusement terrassé il y a une vingtaine d’années. Elle nie toutes les belles époques de l’histoire, insulte au sens commun et au bon goût. Elle a le dessous, tout est bien… » L’équipe française mise sur les rangs était formée de M. Nénot, membre de l’Institut, associé pour la circonstance à M. Flegenheimer, architecte à Genè-ve, Suisse. L’homme qui portait le jugement pré-somptueux reproduit ici, fut le constructeur, jadis, de la Sorbonne et, par ailleurs, l’un des responsa-bles du monument Victor Emmanuel, de Rome, l’inénarrable masse de marbre blanc plantée au coeur de la Ville Eternelle et qui est comme le plus douloureux et insupportable des fumerons dans l’oeil du visiteur. Le Palais fut construit par l’Académie, mais celle-ci, pour répondre aux exigences matérielles du pro-gramme, dut plagier et pilier l’adversaire. LE CORBUSIER « Entretien avec les étudiants des écoles d’architecture «, 1942.