Turin. Lyonel Feininger. Chez Lyonel Feininger, son insistance dans la poursuite d’une image déter-minée du monde a certainement fait de son oeuvre un point de référence culturel précis, auquel on peut faire remonter bien des développements de l’art moderne, même si ce procédé a pu faire naître le soupçon d’un parti pris statique qui passait outre aux raisons du style. Dans ce sens (en plus de celui d’une poétique toujours vivante et ouverte à des possibilités neuves même du point de vue proprement philologique), il nous semble que l’oeuvre de Feininger mérite une lecture plus attentive, à la lumière de laquelle il sera peut-être possible de dégager les traits essentiels d’une personnalité aussi complexe. C’est ce qui résulte de la vaste exposition organisée par la Galleria Gissi. Dans cette exposition, à côté d’oeuvres récentes qui témoi-gnent des préoccupations constantes dont nous venons de parler, on peut voir des dessins et des aquarelles qui partent de 1915 et aui constituent justement un document sur les phases du développement d’une démarche qui se déroule en profondeur, et qui n’est pas exempte d’un composant d’ordre pathétique. (Galleria Gissi.) Alberto OGGERO. Turin. Vieira Da Silva. Il y a quelque temps, une personne me disait que les toiles de Vieira da Silva avaient l’air d’être faites aux aiguilles à tricoter. Tout en reconnaissant un semblant de vérité à une telle boutade, il faut immédiatement ajouter qu’aucune des mailles de tricot connues n’atteint à l’intensité des effets, à la profondeur de signification et à la valeur artistique du tricotage de Vieira da Silva. Il suffit, pour s’en rendre compte, de visiter l’exposition considé-rable de la Galerie d’Art Moderne de la ville de Turin (peut-être la plus exhaustive de toutes celles dédiées à cette artiste). On pourra alors constater à la fois l’intensité et l’ampleur d’une oeuvre qui sait ajouter l’enchantement d’une poétique subtile et inconfondable aux suggestions visibles. (Musée d’Art Moderne.) A. O. Turin. Carla Accardi. L’approfondissement d’une recherche qui explore — jusqu’à la limite —les possibilités expressives de quelques graphismes constitue le problème fondamental de l’oeuvre de Carla Accardi. Partant d’expériences dans lesquelles la donnée objective et réaliste transparaissait encore, bien que de façon vague, Carla Accardi a su épurer peu à peu sa propre vision et parvenir jusqu’à ses rigoureux essais actuels, qui, tout en conservant inaltérée la suggestion des oeuvres précédentes, en rejettent l’aspect le moins rationaliste et rigoureux. (Galleria Notizie.) A. O. Turin. Berto Ravotti. Après une exposition dédiée au second futurisme (dans laquelle, entre autres, figuraient des toiles rares de Prampolini, Fillia, Diulgheroff, etc.), la galerie « Il Punta » en exposant Berto Ravotti, présente un documentaire sur l’un des représéniants les plus vivants du jeune pop’art piémontais. Nous avons dit pop’art, bien que ce terme ne définisse pas exactement ies derniers développements des oeuvres de Ravotti. En fait, dans ses toiles récentes, en plus du répertoire d’objets qui le font classer pop’, existent des solutions picturales auxquelles il faut attribuer le mérite du mystère et d’un sens d’attente magique qui émane impérieusement des oeuvres les plus réussies. (Galleria « Il Punto ».) A. O. Turin. Del Pezzo, Adami et Romagnoni. Trois des nombreux aspects, souvent déconcertants, de l’avant-garde actuelle, sont illustrés par l’exposition des peintres Del Pezzo, Adami et Romagnoni à la galerie « La Bussola ». Chez Del Fezzo, le rappel de la peinture métaphysique, proposé de façon objective et révélé d’après le répertoire des objets utilisés, assume une dimension ironique, soulignée gracieusement dans l’équilibre mesuré des compositions et le coloris uniforme. Au contraire, Adami et Romagnoni, chacun dans une direction différente, n’ont pas renoncé à tirer parti de certaines possibilités d’une technique traditionnelle, en forçant cependant les capacités de signification. En tout cas, les motifs de la démarche de ces deux artistes nous paraissent plus fragiles que chez Del Pezzo. (Galleria « La Bossola ».) A. O. Venise. Enrico Castellani. En général, la vibration de la superficie de la toile est obtenue au moyen d’un support, d’un squelette. La toile est comme une peau uniforme qui s’adapte, qui masque la structure, aui entoure et donne de la beauté. Telles se présentent à peu prés les oeuvres d’Enrico Castellani, à l’oeil ingénu. Castellani tend vers le relief, quand il ne se hasarde pas à assaillir le spectateur avec des formes d’angle qui suscitent le même dégoût embarrassé qu’une vessie ou un bubon. L’artiste se sert de la lumière naturelle et artificielle qui glisse sur cette écorce et module les formes plus ou moins âprement, suivant l’intensité de la source lumineuse. De cette façon l’oeuvre est pré-destinée à un devenir continuel. L’intervention de l’exécuteur se limite à la suggestion du projet dont l’achèvement est en rapport avec l’ambiance où il se trouve. Certes, si une telle expérience tend vers le mouvement, et vers une jouissance illimitée, alors elle n’atteint son but que partiellement. Au contraire, il ne reste au spectateur, auquel on devrait confier une participation active, que la fonction habituelle du contemplateur. Même sous son aspect mécanique, la construction du mouvement ne parvient pas à procéder comme elle voudrait. En outre, Enrico Castellani a refusé tout ce qui semblait limiter l’élan humain vers la tentation du sublime. Chaque accident, le temps et le lieu encastrés dans les choses, a été nivelé et dissous, braquant l’oeil sur les catégories plutôt que sur le monde. Mais chaque expression, aussi limpide et complète soit-elle, est toujours partie intégrante de l’homme et n’est que relativement absolue. Ou bien elle ne peut pas l’être du tout. L’absolu qui anime Castellani doit, au contraire, s’appeler cohérence de méthode et d’expres-sion, face à la nouvelle fonction de l’art, provoquée par la relation en action avec le secteur scientifique et celui de la technologie productive. Dans le sein de la nouvelle conception artistique qui se manifeste avec intelligence, même si c’est fugitivement, dans la revue Azimuth née à Milan en 1959, et dans le groupe dit Nouvelles Tendances, où nous rencontrons les oeuvres de Castellani, celui-ci fait de plus en plus figure d’hérétique. (Galerie « Il Leone ».) Berto MORUCCHIO. Londres et Dusseldorf. Crociani. Saul, foudroyé par Dieu sur la route de Damas, ne nous surprend pas davantage qu’un homme hier ouvrier gazier, aujourd’hui peintre ! La sponta-néité de la naissance artistique de Crociani consterne notre besoin de ratio. naliser jusque dans le secret de la création. Il n’y avait rien de ce néant apparent surgit l’un des hommes des plus doués de son temps. Naïf, dit-on. C’est vite écrit. Naît il l’est par sa vue émerveillée du monde, par cette limpidité qui lui donne à voir une face des êtres, des choses que nous igno-rerions s’il n’en écrivait une version. Mais cette fraîcheur, cette transcription d’un univers neuf, il nous les communique avec une écriture magistrale. Rien chez lui de ces tâtonnements par ignorance. De ces crudités par impuissances. Son oeuvre est élaborée aux sources les plus sûres: son dessin a des audaces dignes de Picasso, sa couleur est d’un grand coloriste. Crociani, enfin, présente une diversité de sujets: portrait, paysage, composition, fleurs, natures mortes, qui atteste sa fécondité et lui assure une situation peu commune, celle d’un plasticien uni à un vrai poète. (Londres, Tooth Gallery. Dusseldorf, Galerie Nebelüng.) Jacques LEPAGE. Mestre. Tancredi. La Galerie l’Elefante a voulu commencer son activité par une exposition posthume d’un ensemble d’oeuvres de Tancredi. Tancredi Parmeggiani, né à Feltre en 1927, s’est suicidé à Rome en octobre dernier. Il était sans doute la personnalité la plus authentique et la plus complexe parmi les peintres de sa génération. En Italie, il fut le premier qui réalisa avec une véritable intelligence et un instinct plastique exubérant, la nécessité de dépasser les limites du rationnalisme abstrait et de la déforma-tion expressionniste. Sa formulation d’un espace continu, tissé par l’unique concrétion individualisée, le point, est à mettre au compte de Tancredi, qui ne connaissait pas Tobey ni sa poétique du « point qui bouge ». A la continuité de l’espace devait succéder la continuité de la ligne, un noeud fortement animé par l’expansion panique dictée par sa puissante vitalité. Mais le caractère que Tancredi donnait à chacune de ses expériences méthodiques, était la marque de son esprit libre, riche de lumière poétique. Parmi les jeunes peintres italiens, il est l’un des rares qui ait pu, d’un bond, insérer son langage dans un contexte authentiquement international. (Galerie l’Elefante.) B. M. Mestre. Vigo et Mack. Nanda Vigo est architecte et se trouve à son aise dans oe genre nouveau qui n’est pas la peinture, ni la sculpture, mais qui utilise les deux, et puisqu’il a la fonction de servir à un projet, est donc valable en soi. Elle appelle ses oeuvres « cronotopice sont des constructions de plaques de verre renfermées dans une structure d’aluminium, exécutées dans la ligne esthétique dite « gestaitique ». L’Allemand Heinz Mack, né à Lollar en 1931, qui opère également dans un domaine non objectif, nous intéresse par sa pro-position nerveuse d’un ,angage qui veut se renouveler dans toutes ses parties (espace, lumière, signe, technique). Ici, à la galerie l’Elefante, nous sont présentés dans une synthèse raccourcie, mais essentielle, des dessins, des peintures et des constructions en métal, où l’on découvre l’échange étroit entre une notion émotive de la peinture, bien qu’abstraite, et celle que Mack tire de l’aluminium. En outre, on s’aperçoit que, puisque l’achemi-nement perceptif provient du monde industriel, récupérant par conséquent une beauté insérée dans des matériaux et des procédés purement fonctionnels, la destination de ces oeuvres s’adresse à une société nouvelle où la révo-lution technologique aurait changé tous les secteurs, y compris l’un des plus importants: l’urbanisme. (Galerie l’Elefante.) B. M. Mestre. Paolo Gioli. Avant tout, quand on est confronté à la fougue de Paolo Gioli, né à Sarzano en 1942, on reçoit en même temps sa capacité de contrôle. On se demande: « Cet élan émotif, cette passion prédominante en apparence, de quoi est-elle faite ? » Il est clair que la période actuelle de Gioli le trouve en plein problème. L’objet le stimule, il ne peut s’en passer et il voudrait le faire sien, le pressurer avec une violence rapide qui devrait être le moyen pour en saisir la vitalité, plutôt que l’iconographie. A ce point fondamental, il est évident que l’objet, dans son apparente diversité du sujet, est perdu, et que l’esprit, à ce contact, lui ouvre d’autres horizons. Une culture fragile pas encore sélective l’aide dans cette opération, culture où apparaissent avec insistance les caractéristiques génériquement surréalistes. Sa passion est encore l’aspect sensuel de la plasticité, cet aspect sans nom qui peut s’adapter à une série de pseudo-sentiments que seule la vie peut rendre nécessaires et valables. Au stade actuel de la peinture de chez nous, Gioli est le nouveau jeune qui promet de pouvoir combler les nombreux vides existant dans un cercle qui a eu un proche passé vivace. (Galerie l’Elefante.) G) a. N > CU 17 Ne o e a eu E g,„, SAS c., tu fa a ci, e -0 > e :e qu 0 0 01 0. — X (.1 e Q. B. M.