Récents développements de l’art à Turin par Alberto Oggero. Un public dans bien des cas moins disponible qu’ailleurs aux expressions de l’art contemporain, une critique plus paresseuse qu’il ne convient pour suivre les développements récents de certaines zones de la culture et, enfin, le peu de débouchés ouverts aux artistes, ont fait de Turin une ville plus isolée que d’autres sur le plan des arts plastiques. Si l’on ajoute à tout cela l’animosité qui caractérise souvent les rapports individuels, animosité déterminée par le fait que le peu disponible soit revendiqué par trop de gens, ce tableau de la ville pourra sembler assez déconcertant. Et pourtant, malgré tout ceci, il existe à Turin des artistes de valeur qui y vivent et y travaillent, acceptant cette sorte d’isolement comme une condition naturelle à laquelle ils n’ont rien à opposer sinon l’engagement tantôt douloureux, tantôt opiniâtre, d’un travail assidu et pointilleux dont les fruits sont reportés à un futur duquel on attend tout. D’autre part, le futur a donné plusieurs fois raison à cette forme d’engagement de nos artistes. La récente révision critique sur le second futurisme en est une démonstration, ainsi que la vie et rceuvre de Luigi Spazzapan. C’est de ces fantômes: les Filia, Mino Rosso, Diulgheroff et Spazzapan, que les artistes de Turin tirent la force de supporter un isolement pénible et souvent injuste, au lieu d’y trouver les motifs d’une rébel-lion légitime et d’un intérêt plus constant à la politique de la vie artistique nationale. C’est peut-être à cause de ces raisons qu’ont été acceptées passivement les longues dictatures de peintres et de cri-tiques, et que l’exclusion méthodique de certains des meilleurs artistes turinois des Biennales de Venise et des autres grandes manifestations nationales ou internationales n’a pas suscité beaucoup de réaction. Laissons de côté maintenant toute polémique sur les contingences politiques de la vie artistique locale pour en venir aux caractéristiques de ces recherches qui, bien que peu connues en dehors du cercle étroit de la ville, méritent cependant une considération attentive. A la lumière de cette étude, il sera peut-être possible d’insé-er dans l’histoire la plus vaste de l’art italien et européen des éléments et des découvertes qui ont justement trouvé ici leur origine la plus lointaine, et peut-être une des définitions les plus lucides et les plus exhaustives. A ce propos, peu de cas sont aussi symptomatiques que celui du second futurisme italien. Il a été le seul parmi les mouve-ments locaux qui puisse entrer de plein droit dans le climat de la culture la plus valable de l’Europe d’entre les deux guerres. Et ceci, même si l’ambiguïté idéologique qui le caractérise sur le plan poli-tique devait fatalement renvoyer jusqu’à maintenant son affirmation pratique et historique. De toute façon, il est certain que les recher-ches de Fillia, de Mino Rosso et de certains autres artistes de la seconde génération futuriste demeurent, avec celles de Prampolini et du groupe des abstraits lombards, parmi les exemples les plus illustres de l’expérimentalisme italien, et par conséquent notre plus grande ouverture vers les tout récents développements de l’art contem-porain. Si l’on pense que tout cela se passait à Turin du temps des Casorati, dans l’Italie des Carrà déchus, ou pire, des Usellini et des Donghi, on se rend compte de la signification d’une oeuvre qui, toute seule, aura gardé le sens de la dignité, en dehors de toute raison de prestige et de marché, à travers des recherches plus engagées, et somme toute plus conscientes de leur responsabilité aux yeux de l’histoire. Photo Ramp Adriano. Parisot. « Esistenza H no 32