Spazzapan. Composition abstraite. Corpora. « Nouvelle image ». 1960. Bien que la XXXe Biennale de de Venise touche maintenant à sa fin, il n’est pas trop tard pour revenir sur certains de ses aspects. Pour ce qui regarde l’exposition des futuristes, le seul reproche que l’on puisse faire aux organisateurs, c’est qu’ils semblent avoir quelque peu solli-cité l’histoire -de l’art. Afin de prouver, sans doute, l’importance (que nul ne songe à nier aujourd’hui) du mouvement dont Marinetti fut le promoteur, ils n’ont pas hésité à annexer des peintres dont les rapports avec le futu-risme ne furent qu’épisodiques voire inexistants. Ainsi en est-il de Braque, de Villon, de Gleizes, et de Delaunay par exemple. Le mouvement et sa traduction en peinture, ne sont tout de même pas les apanages exclusifs des théories uturistes… D’autres écoles et d’autres tendances se sont penchées sur les problèmes qu’ils posent. Quelques rencontres fortuites dans la construction et quelques vagues coïncidences dans l’organisation des plans ne sauraient faire illusion, même si l’on tient compte de l’extraordinaire habileté avec laquelle ont été choisies les quelques oeuvres qui représentent les peintres cités plus haut. Ni le « Cheval » de Duchamp-Villon, ni « L’Escalier » de Fernand Léger (non exposés d’ailleurs, mais reproduits dans l’avant-dernier numéro de la revue « La Biennale » comme exemples d’oeuvres futuristes) ne peuvent se rattacher, par leurs intentions, à l’oeuvre d’un Boccioni pris comme le plus parfait exemple d’une dynamique plastique spécifiquement futuriste. Dans cette sculpture et cette peinture, en effet, le mouvement est inhérent à la forme décomposée analytiquement et non pas déterminé de l’extérieur et objectif, comme dérivé d’une entreprise cosmogonique. A bien plus juste titre, paraît-il, on pourrait admettre que Picabia ait fait porter, pendant un temps, ses recherches dans des directions parallèles à celles de Balla, Carrà, Severini ou Boccioni. Quoi qu’il en soit, cette réprospective futuriste mérite certainement d’être considérée par l’historien d’art comme la manifestation majeure de cette XXXe Biennale. Outre, en effet, qu’elle révèle au grand public l’importance esthétique d’un mouvement qui, malgré son peu de -durée, rénova l’art italien, elle fait une juste place à certains noms (nous pensons notamment à Russolo, Soffici et Rosai) insuffisamment connus et appréciés en France. Des différentes écoles nationales, l’italienne est certainement la mieux représentée. Ici, point de cartes de visite, point de toiles isolées de leur contexte de production et privées ainsi de toute signification, comme vidées du message qu’elles sont chargées de nous transmettre. D’où le niveau assez élevé de la qualité picturale. Chez les peintres, on retrouve avec Afro. « Avenue des Acacias ». 1958. Photo Giacomelli. Dorazio. « Friendly deterrent ». 1958. plaisir les oeuvres d’artistes qui vivent en France et qui y sont appréciés : Moreni, Peverelli, Music, etc. A ce propos, il faut signaler l’injustice dont le jury se rendit coupable à l’égard de Magnelli dont l’ensemble était remarquable de grandeur et de distinction. Si un artiste avait bien mérité une récompense (dont au surplus son talent n’a que faire) c’était bien lui. Ma.s ainsi vont le monde et ses intérêts. Ils ignorent celui qui travaille dans la retraite et le silence. Corpora domine le petit groupe des anciens du « Front de l’Art Nouveau » fondé vers 1945. Sa matière exprime de poé-tiques espaces avec une sorte de ferveur qui n’a fait que se développer au cours de ces dernières années. A ses côtés Cassinari, somptueux coloriste, Vedova, et le romantique Guttoso. Quarante-trois pièces rendent hommage à Birolli, mort l’an dernier. Cette rétrospective, qui va de 1932 à 1959, tendrait à démontrer que l’artiste, malgré les progrès réels qu’il avait effectués sur la voie de la maturité, était en train de plafonner. Tempérament de peintre, il• semble que lui manquait une certaine flamme par laquelle l’intel-ligence justifie l’audace. Autre artiste également prématurément disparu : Spaz-zapan dont on avait remarqué l’ensemble aux violentes lumières contrastées de noir et blanc à la Biennale de Turin l’an dernier. Sadun, Vaglieri (tous deux exposants de Turin également) et Romiti ont une palette presque voi-sine et une compréhension de l’espace très proche. Chez les jeunes : Guer-reschi, Scanavino, Dorazio et Volpini, ces deux derniers, les benjamins, ne sont pas les moins intéressants. Ils ont, l’un et l’autre, sinon des personna-lités très affirmées, du moins de véritables natures de peintres. Inutile de parler de Burri, que les lecteurs d’ « Aujourd’hui » connaissent bien. Outre Afro, nombreux sont les autres peintres de la participation italienne (le jeune Zigaina, le Milanais Francese, le graveur Korompay, Chighine, Spinosa, etc.) qui témoignent de la vitalité de la peinture italienne. En définitive, c’est la sculpture qui semble le moins- bien– partagée. Mis à part, en effet, Lardera, Consagra et Somaini, sur lesquels cette exposition ne nous apprend rien, il n’y a pas, dans le domaine des trois dimensions de découvertes marquantes. Mirko et Minguzzi sont précieux et Perez, parce que jeune encore peut-être, ne nous montre que des pièces d’un expressionnisme hâtif et qui, esthétiquement, manquent par trop d’unité. Seules les terres-cuites de Léoncillo paraissent douées d’une certaine présence, grâce à la pro-lifération de leurs volumes secondaires et à leur caractère germinatif. Denys CHEVALIER. Photo Giacomelli. Magnelli. « Equilibre ». 1958.