Ger Lataster. Peinture. Lataster strati. Peinture. 1959. Peintre hollandais, dont c’est la première exposition en France, Gert Lataster se rattache au mouvement expressionniste abstrait. D’ores et déjà, à la simple vue du très bel ensemble qu’il nous propose, on doit le tenir pour un artiste de premier plan dont le chaleureux talent mérite d’être mieux connu. Dans son art, où rien pourtant n’est laissé au hasard, on remarque un dyna-misme de la couleur assez rare, de hardies juxtapositions de valeurs et une sorte de ‘combativité, sinon d’agressivité, exaltée. Violent dans son mouvement intérieur, passionné dans son registre chromatique, exacerbé, paroxystique même, parfois, dans l’organisation de ses rythmes, la peinture de Lataster constitue un approfondissement des possibilités d’expression de l’esthétique tachiste. (Galerie Paul Facchetti.) D. C. Istrati La qualité de l’art d’Istrati, qui reçut le Prix Kandinsky en 1953, n’a fait que s’affirmer depuis lors. La sincérité en est le facteur dominant. A travers son art, en effet, le peintre ne nous transmet aucun mensonge ni même message ambigu. Nulle théorie ne peut s’échafauder à partir de lui. Physiologique, il ignore les subtilités plus ou moins empreintes de duplicité auxquelles l’esprit peut donner naissance. Il fait plutôt penser, par son côté abandonné, à une sorte de confession dont d’ailleurs et fort heureusement toute trace d’exhibitionnisme serait exclue. Deux expositions consacrent à Paris, en même temps, le talent de ce peintre qui est une des figures les plus marquantes de l’Ecole de Paris. l’une de gouaches et l’autre de peintures. Dans ces dernières, traitées dans des matières picturales particulières, l’artiste fait preuve d’un sens très aigu, très fin et très précis de l’espace plastique. La touche picturale affecte souvent la forme d’une virgule. Le geste réalisant cette dernière lui communique un contour unique déterminé par ses caractéristiques spontanées et naturelles. C’est par ces éléments écrits recourbés et repliés sur eux-mêmes, comme des pétales, qu’Istrati se signale tel l’explorateur d’un monde étonnamment complexe et qui lui est personnel. L’abstraction de l’artiste se situe à l’opposé de l’art abstrait géométrique et raisonné. Tout est instinct chez lui et sa plus petite peinture, son moindre dessin, sont des autoportraits par ce qu’ils nous livrent de personnel et de secret. Dans ses gouaches, comme dans ses toiles, ce qui fait le caractère inimitable de l’expression d’Istrati c’est l’unité plastique du tableau résistant, par un savant réseau de tension, aux forces explosives et centrifuges qui l’ani-ment. Ceci explique que, malgré la prolifération des signes et des éléments, une organisation préalable et réelle de la surface supporte ces derniers, les justifie et leur confère leur véritable signification. (Galeries XX’ Siècle et La Roue.) D. C. Meystre A l’occasion de son succès dans le concours du Prix Victor Choquet, le jeune peintre suisse Meystre qui avait présenté récemment un ensemble de toiles et gouaches réalisé en Tunisie, fait en ce moment une autre exposition. Ses oeuvres, cette fois-ci ressortissent de quatre sources d’inspiration différentes : les foules, le barrage, la mer et la Tunisie. Dans les unes comme dans les autres, on remarque les incontestables qualités plastiques de transposition de cet artiste qui lui ont valu sa récompense. A la limite du figuratif et de l’abstrait, avec une nette évolution vers ce dernier, l’oeuvre de Meystre se signale surtout à l’attention par la qualité de ses lumières. (Galerie Synthèse.) D. C. Goeritz Peintre, sculpteur et architecte, Mathias Goeritz est le directeur de l’Ecole des. Beaux-Arts de l’Université hispano-mexicaine de Mexico. C’est lui qui construisit, vers 1953, le Musée expérimental d’El Eco et qui, cinq ans plus tard, édifia dans un quartier neuf de Mexico sa ville satellite composée de plusieurs pyramides brutes, sans aucune décoration, et dont l’intérêt plastique réside uniquement dans les relations qu’entretiennent entre eux les différents volumes. Son exposition actuelle est la première qu’il organise à Paris. Elle dénote une expression plastique hybride, mélange d’admiration pour la grandeur des réalisations architecturales pré-colombiennes et de réminiscences des concep-tions constructivistes. Commencée avec sa collaboration avec le groupe « Die Brücke », bien avant la guerre, la démarche esthétique de Goeritz qui s’infléchit par la suite, au cours de diverses expériences, dans des directions de plus en plus architecturales, semble aujourd’hui avoir atteint ses objectifs : expression d’une émotion dans la simplicité et la grandeur par dépouillements successifs. (Galerie Iris Clert.) D. C. Marcel Pouget Inspiré tour à tourpar certains phénomènes célestes et par le visage de l’homme (Grande tête rouge, Tête imaginaire, Tête atomique, etc.) ce peintre déforme, transpose et réorganise la réalité suivant des critères expressionnistes. Aigu ou souple, son style oppose des rythmes ondulants, répétitifs et énumératifs à de larges plages de silence comme des repos. Cette manière contrastée de concevoir le tableau comme un équilibre d’alternances, indication d’un tempé-rament plus ou moins secrètement manichéiste, se retrouve même parfois dans ses organisations chromatiques où des bleus noirs profonds relèvent d’accents froids une palette généralement rougeoyante. (Galerie Ariel.) D. C. Waldberg Waldberg. Plâtre. 1959. Lauréate de la Fondation William Copley l’année dernière, cette sculpteur suisse, dont on remarque tous les ans les envois aux Salons de la Jeune Sculpture, de Mai ou des Nouvelles Réalités, présente actuellement une ving-taine de pièces, généralement des bronzes, dont quelques-uns de grandes dimen-sions. On y retrouve, mais combien décantés, mûris et portés à leur point maximum d’intensité évocatrice, non point ses anciens thèmes surréalisants, mais les mouvements intimes de ces derniers, leurs rythmes déjà si forts et si poétiquement convaincants, même à l’époque. Néanmoins, à part ces points de repère, d’ailleurs seulement discernables à l’analyse scrupuleuse, quels progrès, quel approfondissement dans la transcription de l’émotion sculpturale ! C’est comme si l’artiste, au terme d’une lente évolution biologique, était enfin sorti de sa chrysalide. Nous avons maintenant devant nous un authentique sculpteur dont la démarche absolument originale ne doit rien aux influences qu’elle subit jadis mais tout à son travail, à sa réflexion et à ses scrupules individuels. Le caractère un peu provocant de son élaboration plastique (soutenu par une déclaration qu’elle tit à la Jeune Sculpture voici une dizaine d’années et que Seuphor reprit par la suite dans son Dictionnaire) a complètement disparu de son expression actuelle. Ne subsistent plus maintenant qu’une fantaisie, curieusement empreinte de gravité, un humour profond et une invention formelle authentiquement personnelle que les qualités propreMent plastiques de son oeuvre ne laissent plus percer que de façon sous-jacente, comme en filigrane. Car c’est à une sorte d’inversion des facteurs composants de son art que l’évolu-tion esthétique de Waldberg l’a mené. Les problèmes spécifiquement sculptu-raux : occupation de l’espace, absorption et restitution de la lumière, personna-lisation des profils au sein de l’unité organique de l’oeuvre d’art, etc., sont aujourd’hui passés au premier plan et à chacun d’eux le sculpteur a apporté des solutions originales. La poésie, certes, est bien toujours l’objectif final de l’aventure artistique que mène Isabelle Waldberg, mais la poésie dont il s’agit ne doit plus rien à la littérature ni à un compromis quelconque avec la figu-ration. Elle est l’émanation, la conséquence et la sécrétion si l’on peut dire, de la seule organisation des volumes. (Galerie du Dragon.) D. C. Herbin Cette exposition est la première organisée à Paris depuis la disparition de ce véritable pionnier de l’art abstrait auquel, l’an dernier, la Biennale de Turin avait rendu un hommage émouvant. Elle comprend une trentaine d’oeuvres dont les dates de production s’étendent sur les dix dernières années. En somme, c’est une petite rétrospective (en attendant la grande) de la dernière période de l’artiste au cours de laquelle Herbin, au terme de toute une vie consacrée à la recherche, avait réussi à transcender ses découvertes, ses calculs et ses postu-lats (pas toujours très scientifiquement vérifiés). Quoi qu’il en soit, il ne fait pas de doute qu’Herbin était arrivé, dans son art, à une sorte d’expression extrême. ment pure, dépouillée et cristalline à la fois et d’où, chose curieuse, émanait une émotion très profondément humaine bien que dégagée de toute compromission ou affadissement. De l’étude de ses dernières toiles, il ressort que le peintre, qui s’était toujours refusé à faire appel aux séductions que lui aurait permis l’exploitation du domaine sensoriel, avait enfin réussit à expliciter, dans sa peinture, ce monde spéculatif où la satisfaction intellectuelle se conjugue avec la quiétude de l’âme, et qui était le sien. Herbin était certainement un des artistes contemporains qui possédait au plus haut degré cette « conscience de l’absolu dont parle Hoené Wronski cité par Jean Cassou dans sa présen-tation au Testament spirituel d’Auguste Herbin édité par la Galerie Denise René. Dans l’exposition, encore, citons un très beau relief de l’artiste daté de 1920. (Galerie Denise René.) D. C. Jean de Gavardie On décèle dans cet art les traces d’une réflexion sereine et d’une conscien-cieuse analyse plastique, qui l’apparentent à la tradition cubiste. Toutefois, il ne s’agit nullement d’une imitation. Ainsi, le volume, au lieu d’être transcrit par la vision simultanée des différents aspects de l’objet (comme c’est le cas pour les toiles relevant du cubisme proprement dit) est suggéré par un jeu très étendu de valeurs. Savamment travaillée, la pâte imite des matières di-verses : bois, tissus, etc., tandis que la délicatesse des tons à base de bleus, d’ocres et de bruns, fait participer l’expression de Gavardie d’une tradition méditative de la peinture française. (Galerie De Chaudun.) D. C. Osborne Très solide, construit avec rigueur, mais sans que l’on sente à aucun moment l’application d’une formule mécanique, l’art de ce peintre anglais vivant actuellement en France, se situe à l’opposé des expressions faciles et anarchisantes (faciles parce qu’anarchisantes) de la plupart des peintres d’au-jourd’hui. Les coloris d’Osborne sont violents, audacieux, quelquefois agressifs, mais jamais injustifiés ni gratuits. La fougue de l’exécution pictùrale ne dissil mule point une défaillance de construction mais au contraire s’inscrit à l’intérieur de schémas compositionnels parfaitement étudiés. D’où peut-être la nature mono mentale et architecturale de cette peinture qui, par ailleurs, se manifeste presqu toujours par des grands formats. (Galerie XX. siècle.) D. C. FIND ART DOC