« Le carré est la parodie du cercle ». KIERKEGAARD. Il est difficile de parler de l’U.R.S.S. Si on raconte seulement ce qu’on a vu on est taxé d’ « objectivisme ». D’autre part, on voudrait justifier la confiance des Russes qui, depuis deux ans, permettent de circuler et de photographier à volonté, et glisser sur ce qui choque et surprend parfois dans un pays « révolutionnaire ». Pour apprécier l’architecture et l’art soviétiques, il ne faut jamais oublier les conditions qui ont pu jouer en leur faveur ou contre eux. L’architecture russe n’a jamais été absolument originale : elle s’est inspirée successive. ment de Byzance, du baroque italien, de Ledoux et du style fin du XIX° siècle illustré par les Expositions, l’ancien Palais du Trocadéro et les casinos des villes d’eaux. Vers 1930, il y eut des traces d’engouement pour le style fonctionnaliste de Le Corbusier (d’autre part, 75 % des maisons étaient en bois à Moscou avant 1914 !). Puis la Russie fut fermée aux influences extérieures ; le planisme s’efforça de créer une architecture purement russe. Il y eut la guerre et ses énormes destructions. Malgré la priorité donnée à l’industrie lourde, la construction prit un grand essor. Elle bénéficiait de plusieurs conditions favorables : la construction en grande série d’éléments préfabriqués, faciles à imposer, l’absence de servitudes, les avantages d’une économie dirigée de façon consciente et continue. Que voit-on à Moscou maintenant ? La première surprise est l’absence La vieille Russie : Saint-Basile-le-Bienheureux. de surprise. On s’attend à trouver, dans la capitale d’un immense pays et d’un régime si puissant, de grands sujets d’étonnement. On s’attend à un choc du genre Manhattan. C’est une grande et belle ville, mais finalement, sorti du centre immédiat, très aéré, on est surtout frappé par les côtés pro-vinciaux et villageois de Moscou, avec des isbas sans étage, des rues calmes contrastant avec des gratte-ciels saugrenus, des kilcmètres de chan-tiers. Et puis surgissent des coupoles, des dorures, l’Orient de Saint-Basile, les remparts du Kremlin, qui tiennent de Marrakech et de Vérone, tout cela à la fois hétéroclite, surréaliste et clinquant comme une fête foraine. Avec une nonchalance toute slave, on a planté d’horribles pylônes au bord de la Moskowa, sur ses rives de granit, presque en face du Kremlin. A côté de cela, tout monument paraît lavé de frais, pomponné ; des femmes plantent des fleurs ; les façades sont peintes de couleurs fraîches : vert pistache, rose bonbon, jaune canari. Tout cela a un côté Côte d’Azur du temps des grands ducs et des tziganes de Monte-Carlo. Si la place Rouge est moins immense que ne le laissait prévoir l’habi-leté des photographes, les rues sont très larges, prévues pour une circula-tion future. parcourues toute la journée par des armées de balayeuses et de camions arroseurs. La propreté est une hantise ; au bout de quelques heures, on n’ose plus jeter une allumette par terre. Paris semble gris et sale au retour. FIND ART DOC