32 Kosice. Sculpture (Groupe Madi). Gerdur. Sculpture. Bemporad. Peinture. Photo AttiliO. Lesexpositions à Paris par Françoise Choay, Charles Delloye, Pierre Descargues, Pierre Guéguen, Herta Wescher. Art Madi Qu’est-ce que l’art madi ? Seriez-vous modistes sans le savoir ? Oui, si nés à la fois en Argentine, Brésil, Uruguay ou Cuba, vous avez reçu la culture artistique moderne et ultra-moderne : Esprit Nouveau, De Stijl, Bauhaus, Cubisme et Futurisme, Suprématisme et Art Abstrait. Si vous avez abjuré l’art figuratif, ses pompes à pompiers et ses œuvres ; si vous croyez à l’intégration des arts, avec toutefois cette nuance : l’architecte est « subordonné a au sculpteur et au peintre, ce qui est excessif, le maître-d’oeuvre restant maître de son oeuvre. A lui d’avoir aussi, comme aux grandes époques, les dons de peintre, de sculp-teur, de verrier, etc. Mais si cette thèse juvénile est inadmissible en principe, en fait elle est très opportune, les trois quarts des prétendus architectes n’étant que les superviseurs d’entrepreneurs et se bornant à copier de loin et d’en bas, l’élite peu nombreuse des maîtres. A propos du même art dans sa Proclamation Madi, M. Cordova Iturburu parle d’or quand il cite Max Bill : K la beauté est une fonction parmi les autres, une fonction en elle-même r. Le Corbusier, une fois passé l’époque héroïque où il fallait se cramponner à la fonction pour se débarrasser de l’odieux Art Déco, n’a plus lié la beauté uniquement à la fonction. André Bloc, de son côté, a beaucoup insisté sur le rôle primordial joué par le plasticien, sans toutefois lui « subordonner r l’architecte. Ils collaborent, et sans parler du rôle de contrôle, voire de censure exercé par ce dernier, il peut dans son rôle d’interpretàlion d’une idée plastique, avoir lui-même cette ingéniosité, qui est une approximation du génie. Je disais a propos de la Maison du Sculpteur, à Meudon, mais aussi de la villa de Poissy de Le Corbusier, de l’atelier de Miro, par Sert, etc., que la maison n’était plus seulement la « Machine à habiter r, mais le Poème à habiter. Madi a, d’ailleurs, des conceptions révolutionnaires en architecture : il aspire à des villes volantes ! Mais ceci est une toute autre aventure. Attendons que le nouveau Montevideo volant ou le nouveau Buenos-Aires long-voilier, vienne visiter, par la voie des airs, le vieux Paris croupissant, qui déléguera vers lui le Groupe Espace et les Galeries Abstraites. Il m’est impossible d’énumérer les nombreux artistes présents et absents du mouvement Madi : dessin, peinture, sculpture, architecture ; ajoutons poésie, car plusieurs d’entre eux sont poètes. Kosice, qui représente Madi à l’exposition actuelle, en plus d’un excellent organisateur et diffuseur, qui ferait un non moins bon attaché culturel, possède un talent solide de sculpteur et de peintre. Ses structures éoliennes, surtout, font preuve d’un sobre sens plastique .Rothfuss, professeur à l’Université de Montevideo, un des fondateurs avec le peintre Bay, il y a une quinzaine d’an-nées, de Madi, est comme Bay lui-même, déjà connu en Europe et a une audience internationale. Guttierez et Herrera sont un ménage de jeunes archi-tectes très appréciés en Argentine. Darie, à Cuba, milite pour Madi pinceau à la main. Kasak, Oliveira, Llorens sont des peintres argentins et Linenberg, un sculpteur. Le benjamin de Madi, Scopelletti est, lui aussi, fort doué. Voilà un groupe d’artistes sympathiques, sur lesquels on peut compter pour continuer à propager l’art moderne dans les pays de 1 Amérique latine. Longue vie à Madi ! (Galerie Denise René.) Pierre GUEGUEN. Exposition Baertling. Galerie Denise René. Baertling L’exposition de ce peintre est très gaie. On dirait que la Galerie Denise René a pavoisé, à voir ces peintures, longues comme des oriflammes. Elles ne flottent pas ; mais c’est tout juste, car les panneaux décollés du mur, prennent un relief architectural sympathique. C’est la fête du Triangle et de la Rose des Vents aux pétales pointus, adroi-tement découpés, et impeccablement polychromes. Voilà ce que mes yeux ont vu ; mais en lisant la préface écrite par M. Oscar Reutersvaerd pour le beau catalogue, je me suis aperçu que je n’avais rien vu ni compris. Baertling sentit, paraît-il, un « dramaturge des formes a, d’où sans doute cet art pointu. Vapo-risateur, il ferait « évaporer la chose créée r par lui. Ces triangles longs et étroits, serrés par trois, quatre ou cinq, et se rejoignant au bout de leurs becs fins, seraient les restes (solides) d’un art devenu nuage ? Mais en poursuivant ma lecture, j’ai été plus surpris encore. Le commentateur évoque à propos de l’artiste, le peintre monumental, un cristallisoir sublime, un constructeur verti-gineux, l’espace titanesque, etc., bref, une litanie touchante, un peu marseil-laise bien que suédoise. « S’enfoncer dans ces images, dit le panégyriste, .,et disparaître avec elles, ce n’est pas plonger dans une profondeur picturale d’ordre primaire. r Certes, le primaire est toujours à sec comment y plonger sans se casser la tête ? Mais en est-il de même des couleurs primaires dont usa Baertling et la plupart des artistes abstraits ? M. Reutersvaerd s’explique ; il a une idée de derrière la tête. La profondeur qu’il voit, extasié, dans son grand peintre « échappe à la planimétrie du purisme, à l’aire en silhouette de Malévitch, au carreau aplani de Mondrian… r Nous respirons ! à quelles influences fâcheuses Baertling a échappé, en se trompant de profondeur ! et en s’en taillant une, si gaiement décorative qu’on l’applaudit. En vérité, sa peinture me paraît un affluent de celle d’Herbin, laquelle ne renferme nulle magie, mais une joie populaire des couleurs, qui e son charme et qu’il serait snob de sous-estimer. (Galerie Denise René.) P. G. Gerdur La jeune Islandaise Gerdur affronte le chalumeau oxydrique et forge des oeuvres aux tiges fines fort sympathiques. Après avoir subi l’influence de Lippold, elle s’oriente vers des structures personnelles intéressantes ; mais il faut aussi qu’elle s’affranchisse d’une trop grande symétrie où elle ne trouverait finalement que monotonie. Ses meilleures réussites semblent être une forme octogonale ajourée très fouillée, enfermée dans une forme plus grande qui malheureusement emprisonne un peu sa complexité. Une autre forme conique, très aérée, très respirante, qui montre comment cette artiste est capable, dans une valable sculpture d’espace comme la sienne, de faire une place royale à l’espace même, et non à l’objet forgé, au piège d’air, qui doit être seulement le prétexte de ce genre de sculpture. Parfois les objets structurés de Gerdur, longs et flexibles, reposant sur un fin pivot, comme chez Brancusi, remuent gracieusement. Ou bien elle suspend, au coeur de la cage, quelque pendentif féminin dont les oscillations de pendule animent la sculpture. On se rend compte alors quel appoint précieux serait à son art, le mouvement, soit éolien, soit mécanique. (Galerie La Roue.) P. G. F hotos Orto.