GROUPE ESPACE Vasarely. Motifs encadrant l’une des portes. A l’occasion du Salon de l’Automobile, les Ets Berliet, de Lyon, ont fait appel au Groupe Espace en vue de ta réalisation de compositions abstraites destinées aux accès du stand des camions sahariens. Les expositions à Paris Juan Gris – Peintures 1926-1921 D.H. Kahnweiler, dont le nom est si intimement lié à l’histoire du Cubisme, nous explique dans une pénétrante préface cette exposition qui honore Juan Gris, trente ans juste après sa mort. L’artiste a disparu à quarante ans, dans la plénitude de son talent, où la gravité presque tragique de l’Espagne s’adoucit d’une raison française, d’une économie cartésienne, lucide et limpide. La paix des dernières oeuvres semble annoncer la paix de la mort. Juan Gris s’était déjà mis à « cultiver son jardin o, comme Candide. Après l’aventure cubiste, audacieuse et diverse, à laquelle il avait pris part en bonne place, il était devenu non un classique dans le sens de l’Académie, mais le classique de son Cubisme. Il détestait scandaliser et interrogeait fréquemment ses amis sur ce vocabulaire familier qu’il ne cessait de simplifier et d’épurer : le compotier, la guitare, le journal, la pipe… craignant d’en avoir fait de « petits monstres » ! Il en était bien loin et ce n’est pas lui qui aurait joué aux « comprachicos comme son grand compatriote Picasso. à la chirurgie et à la tératologie surréalistes. Le cadre moderne de la Galerie Louise Leiris, d’une simplicité et d’une harmonie absolues, met bien en valeur la simplicité et l’harmonie auxquelles Juan Gris était parvenu en ces deux dernières années de sa vie, dans son atelier de la rue de l’AnCienne-Mairie, à Boulogne. Ces toiles, qui commémorent une fin prématurée, ont quelque chose d’élyséen dans leur noble gravité. Une guitare, un papier à musique (no 4) sont élevés par lui au rang d’acropole, ou de forteresse à la Vauban avec ses plates-formes rases et ses rocades. Tantôt une « Femme assise » (no 9) est intégrée à la montagne dont les mame-lons bouchent la fenétre, comme la déesse Héra emplissait l’Olympe de sa majesté. Juan Gris aurait pu, après tout, supprimer l’objet, au profit de la géométrie monumentale. Celle-ci aurait suffi à faire de lui un grand « Abstrait ». (Galerie Louise Leiris.) P. G. Juan Gris. Gobelet. Peinture, 1927. Juan Gris mourut le 11 mai 1927. Il avait 40 ans. Depuis environ 1922, sa santé laissait à désirer. Un peintre de son espèce qui ne peignait pas « comme l’oiseau chante » mais avait besoin, pour chaque tableau, de rassembler et de concentrer toutes ses forces intellectuelles, et, par conséquent, physiques, ne pouvait pas ne pas être insensible à une diminution de sa puissance de travail. Cette puissance lui était nécessaire, et au plus haut point, au moment où, porté par la logique de sa recherche cubiste, il était mis en demeure de choisir entre le confort moral de la figuration traditionnelle et l’aventure d’une abstraction à laquelle le poussait une étude toujours plus exigeante de la composition picturale. En 1924, déjà profondément menacé par la maladie, il déclarait au cours d’une conférence : « Un tableau sans intention représentative serait, à mon avis, une étude technique toujours inachevée, car sa seule limite est son aboutissement représentatif. » Mais, quand on examine ses peintures de l’époque et celles qu’il fit pendant ces années 1926 et 1927, à la veille de sa mort, il apparaît on ne peut plus clairement que cette position n’était que l’une des deux entre lesquelles il se sentait éternellement tiraillé, l’autre étant, en secret peut-être, une adhésion intime aux séductions d’une peinture pure, libre, autonome. Oserais-je imaginer le drame de conscience de ce peintre, tout à la solution du plus poignant des conflits picturaux, au milieu de toutes les contingences matérielles et morales de la vie sociale, alors que sa santé ne lui accorde pas suffisamment une aide indispensable ? Je suis là, sans doute, dans le domaine de l’hypothèse, du moins si je m’en remets à la connaissance discursive. Mais comment ne pas être intuitivement sensible, d’autre part. au sentiment si dou-loureux qu’expriment les peintures de Juan Gris en 26-27 ? D’un artiste aussi doué, aussi décidé que ie Juan Gris d’avant ces tristes années, on est en droit d’attendre toujours des affirmations picturales conqué-rantes, des élargissements du champ d’investigation. Les tâtonnements timides des derniers Juan Gris sont d’un être de haute qualité et ils nous font entendre une émouvante musique, certes, surtout quand on la sait disputée aux premières atteintes de la mort. Mais ce sont des tâtonnements malgré tout. (Galerie Louise Leiris.) L. D. 22 Kemeny. L’ombre du Miracle Relief en cuivre.