Penalba. Sculpture. Les expositions par Léon Degand. 30 Beaudin Si l’on veut un bon exemple, presque didactique, de ce que l’on nomme parfois de la décantation, c’est-à-dire la réduction d’un sujet, d’un modèle emprunté au monde extérieur, à des lignes, des formes et des couleurs qui le signifient en même temps qu’ils le synthétisent et traduisent la person-nalité du peintre, on ne manquera pas de le trouver chez Beaudin. On y verra comment d’un paysage ou de chevaux, dont on imagine assez aisément les images originales, il est possible de dégager des plans essentiels, délimités par des traits fermes et complétés par un ton et une teinte qui leur confèrent une signification singulière. Et l’on découvrira, enfin, comment tous ces éléments s’unissent à leurs pareils pour composer une harmonie et un rythme d’ensemble. Toute cette opération, spécifiquement figurative, Beaudin la réussit et, j’allais écrire, l’explique sous nos yeux avec une parfaite clarté, sans la moindre équivoque. Son chromatisme est volontaire comme décoloré — tendance dominante de la majeure partie de son oeuvre — presque à l’extrême, mais en lui gardant toujours la sécheresse tonique de certains vins blancs. Et ses compositions comme dans Les Trois Ponts ou Le Fleuve (1956), savent atteindre, en perspective autant que dans le plan de la toile, à une espèce de grandeur logique. En Beaudin ne sommeille que très rarement un plas-ticien qui ne s’ignore que fort peu et qui, dans Le Tapis rouge (1950, coll. Adrian) parle assez haut pour être entendu. On s’étonne même, devant de telles peintures, que Beaudin semble éprouver le besoin permanent de béquilles figuratives. — (Galerie Louise Leiris.) L. D. lagage Il est aujourd’hui à la mode, dans certains milieux, de peindre en juxtaposant de petits rectangles de couleur, exactement comme, au temps de l’impressionnisme ou du néo-impressionnisme, on juxtaposait des touches en forme de virgule ou de point. Le tableau prend ainsi une apparence de « texture », comme on aime à dire depuis quelque temps, où le peintre arrange des courants picturaux plus ou moins orientés selon un ou plusieurs pôles d’attraction. Lagage se plie aux règles de ce jeu non sans goût, avec une certaine élégance dans le chromatisme, sans excès d’imagination, mais avec beau-coup de sage application. On ne peut vraiment l’accuser de bâcler, comme tant de ses confrères. On le regrette presque, car, dans la hâte, peut-être lui viendrait-il quelque inspiration moins uniforme. — (Galerie Lydia Conti.) L. D. Corpora L’art de ce peintre suit une courbe très significative. Corpora est un artiste pour qui le monde extérieur existe, non que spécialement il le consulte, mais il le subit, de bon gré, d’ailleurs. C’est devenu chez lui une habitude psychique. Mais dès qu’il se trouve devant la toile, Corpora se laisse entraîner par une ambition presque opposée, en ce sens que progressivement il s’abandonne alors aux injonctions spéci-fiques de la surface plane, à ses limites, ses proportions, et sa peinture tend ainsi à une autonomie de rythmes à laquelle il est évident que Corpora prend de plus en plus de plaisir. Mieux encore, sa peinture y acquiert des qualités sans cesse plus prof ondes et plus personnelles. La couleur elle-même, toujours si importante chez Corpora, ne se conforme plus qu’a une logique interne et gagne ainsi en valeur expressive. L’exposition de la Galerie Cahiers d’Art propose un ensemble cohérent de toiles dont chacune procure la meilleure impression d’achèvement et de maturité de pensée. — (Galerie Cahiers d’Art.) L. D. Chapoval Né à Kiew en 1919, Chapoval mourait à Paris en 1951. Les quelques tableaux, fort bien choisis, réunis à la Galerie Bénézit, résument parfai-tement le meilleur de ce jeune talent et rappellent que ces promesses, qui pour bien d’autres auraient été de suprêmes aboutissements, étaient marquées de tous les signes de la qualité. Sans doute ne se trouve-t-on pas ici devant les merveilles insolites d’un départ foudroyant. Chapoval savait fort bien lui-même qu’il ne devait attendre de résultats probants que d’une longue persévérance. Son oeuvre avançait à la vitesse raisonnable d’un homme qui creuse et fouille, et cela lui donne, après un recul de quelques années, un bon air de vraie solidité. Ces peintures sont de celles qui n’accrochent pas tout de suite et qui pourraient même passer inaperçues. C’est qu’elles exigent du spectateur une attention soutenue, une interrogation patiente. Les harmonies chro-matiques et les rythmes de composition ne nous sautent pas au visage. Chapoval ne pratiqua jamais la méthode du coup de poing pictural. Et il reste de lui le témoignage d’un peintre non seulement authentique — il en est tant — mais authentiquement amoureux de son art et lui confiant les parts les moins distraites de son être. — (Galerie Bénézit.) L. D. Gromaire. « La Brouette n, peinture, 1929. Reichel. Aquarelle, 1957. Corpora. « Tension n, peinture, 1957.