L’art au travers de l’Atlantique Nord Masque. XIX’ siecle. Art Eskimo (côte Est). partie plate, le contour gravé à la pointe du couteau ievèle les anciens caractères ethniques eskimo : front etroit, yeux rapprochés, larges narines épatées, mas-séters proéminents. A deux dimensions, sur la partie aplanie, le contour et l’obliquité des yeux ne laissent aucun doute sur la race de l’individu représenté. Tout cela est, bien sûr, exprimé dans un art qui a perdu sa vigueur, aux antipodes de la virilité indienne, voire mexicaine, des modèles primitifs. Mais là, sous mes yeux, cette « figure » est le témoin émouvant d’un art, s’effaçant devant une civilisa-tion qui monte et qui l’encercle. Aux îles Féroé et en Islande, l’inspiration com-plètement différente vient directement de Scandina-vie. Des motifs géométriques de l’âge du bronze aux chrismes des pierres tombales — découvertes assez curieuses si l’on se réfère à l’histoire (2), ces îles ont ignoré totalement l’art de leurs voisins de l’Ouest. Malgré de profondes éclipses dans leur civilisation, la décoration des XI, et XII, siècles s’ins-pire des manuscrits nordiques, ruriques pour la plu-part. Aux XIV, et XV’ siècles, sculpture naïve sur bois, et décoration vers la fin du XVIII, siècle à nos jours, de tous les objets domestiques en bois : cof-frets, écuelles, de même type que les objets norvé-giens, suédois ou danois. Près de l’église de Kirkebo, aux îles Féroé, qui fut autrefois le siège du premier évêché, on retrouve des traces de bâtiments annexes, cloître ou dépendances. Le temps et les hommes ont ravagé tout cela. Il ne reste plus qu’un rectangle régulier, à ciel ouvert, percé d’ouvertures. Tout près de là, une maison très ancienne faite de troncs d’arbres ajustés, sur une assise de basalte, seul vestige de constructions tra-ditionnelles. Le fronton et la porte sont sculptés de manière rustique. Dans la cour surplombant le che min, des vertèbres de baleine tiennent lieu de siège. Le musée de Thorshavn renferme une très belle collection d’objets domestiques en bois sculpté datant du siècle dernier. Aujourd’hui, acier inox, aluminium, matière plastique, remplacent les coffrets ornés de motifs rappelant les enluminures des manuscrits où des dates parfois commémorent d’humbles événe-ments maintenant oubliés. Grâce aux ornements placés autour d’un corps dans une tombe récemment découverte (juillet 1956), on a pu conclure avec certitude au passage et au séjour de Vikings dans les îles Féroé. Il en est autrement de l’Islande où tout l’art pro-vient de ces marins scandinaves. Au musée de Rek-jevik, on passe sans transition des salles d’art autochtone à celles consacrées aux pays scandinaves. Même vigueur, même inspira ion et même compré-hension aussi des arts septentrionaux apportés par les navigateurs. Et tant pis si saint Olaf ressemble comme un frère à Neptune, il ne perd rien en ma-jesté dans ses nouveaux attributs ! S’il reste très peu de monuments remarquables comme l’Occident en révèle dans chacune de ses contrées, un voyage dans les grandes îles de l’Atlan-tique Nord ne décevra jamais cependant le naviga-teur ou l’amateur d’art. Et je serais heureux si cet article l’incitait un jour à aller les visiter. Jcan-Marie BRESSON. (2) Les plus anciennes dates connues sont : — VIII, siècle environ après 1.-C. : découverte de l’Islande par les Irlandais ; — De 870 à 930, peuplement de l’Islande par le Viking Ingolfur Arnarson ; — 930 : institution du Parlement islandais, l’Althing.