Georges Braque. Mandoline et partition de valse Peinture. tut a. D. – H. Kahnweiler et la Galerie Louise Leiris par Leon Degand. Jusqu’en février dernier, quand on cherchait au 29 bis de la rue d’Astorg la Galerie Louise Leiris, on éprouvait toujours quelque surprise à découvrir, sous les apparences d’une espèce de dépôt pour commerce de verrerie en gros, les locaux d’exposition d’un des plus célèbres marchands d’art moderne. Et quand, ayant pénétré dans ce lieu sans grâce, on demandait à parler au maître de maison, on n’était pas moins surpris de le voir, non descendre de quelque étage où il aurait eu ses bureaux, ou apparaître de plain-pied par une porte que l’on n’aurait pas aperçue en entrant, mais sortir progressivement, la tête d’abord, le reste du corps ensuite, d’une cave, dont il gravissait l’esca-lier, et déboucher ainsi en plein dans la galerie. Cette cave constituait, semble-t-il, un invraisemblable capharnaüm où les tableaux s’accumulaient à tel point que certains se trou-vaient depuis de longues années hors d’atteinte et que leur existence n’était plus attestée que par une mention sur un inventaire. Daniel-Henry Kahnweiler, qui jouit enfin, dans sa nou-velle galerie de la rue de Monceau, des plaisirs de locaux établis tout en rez-de-chaussée, est aujourd’hui âgé de soixante-treize ans. C’est un homme d’une parfaite cour-toisie, de culture très étendue et chez qui l’on devine une profonde compréhension de l’humanité. Issu d’une famille qui s’occupait de banque et de bourse, le jeune Kahnweiler fut envoyé en 1902 de Francfort à Paris pour s’initier aux affaires. En bourse de midi à quinze heures, comme il se devait pour un homme de sa profes-sion, il passait le reste du temps de préférence au Louvre. Photo Kahnweiler Il achetait des gravures de Manet, Cézanne, Gauguin, Bon-nard, Vuillard, ce qui indique une connaissance déjà très avancée de l’art d’avant-garde. En 1906, après s’être suffi-samment partagé entre la Finance et les Beaux-Arts, il comprit qu’il fallait choisir. Il devint marchand de tableaux, véritablement par vocation. Et, au printemps. de 1907, il s’installait 28, rue Vignon, à Paris, dans une bou-tique. Le futur « marchand du cubisme » achetait alors des Fauves : Derain, Vlaminck, Braque. Il eut même Van Don-gen pendant deux ans, de 1907 à 1909, c’est-à-dire jusqu’au moment où il lui parut que ce peintre prenait un chemin qui n’était plus celui de la rigueur. Mais quelque chose naissait sur les pentes de Mont-martre. Picasso venait de peindre le tableau que l’on nomme aujourd’hui Les demoiselles d’Avignon. Personne ne savait, et pour cause, que c’était la première peinture d’une école que l’on qualifierait de cubiste. Kahnweiler n’en comprit pas moins qu’une heure cruciale venait de sonner et qu’il fallait faire confiance désormais à la valeur de Picasso. Quelques années plus tard, Kahnweiler décou-vrit Juan Gris (à qui il acheta d’abord des dessins, Gris n’étant devenu peintre que par la suite), puis Fernand Léger. Quant à Braque, dans l’intervalle il s’était converti au cubisme. On s’est souvent demandé pourquoi Kahnweiler limita ses achats à ces cubistes-là. C’est tout simpl qu’il les tenait — et il les tient toujours — p leurs. Il leur joignit le sculpteur Manolo.