Mondrian. Composition en bleu. 1913. Musée Krôller-Miiller, Otterlo (Pays-Bas) Bibliographie PIET MONDRIAN, sa vie, son oeuvre, par Michel Seuphor. Editions Flammarion, Paris. Nous publions un extrait de cet important ouvrage qui vient de paraître. Un compte rendu détaillé en sera donné dans notre prochain numéro. MONDRIAN ET LE CUBISME. Etre peintre et arriver à Paris en 1912 ! Quiconque croyant aux signes dira que c’est la marque évidente d’une prédestination. 1912 est peut-être la plus belle date de toute l’histoire de la peinture en France. C’est l’apogée du cubisme, et le cubisme s’identifie avec Paris, est Paris même, le Paris vrai sans ses artifices. Les impressionnistes, comme le veut leur découverte du plein air, travaillent un peu partout : en Bretagne, en Normandie, dans le Midi, à Londres, à Papeete même et, évidemment, dans la grande banlieue parisienne. Les Fauves se mettent de préférence au vert, qu’ils peignent rouge d’ailleurs. Mais le cubisme éclot et se développe à Paris même, à Montmartre, entre la rue d’Orsel et la rue Ravignan, puis entre le boulevard de Clichy et l’impasse Guelma. Si Braque et Picasso vont passer l’été à Céret ou à Sorgue, ils y transportent leur mandoline, leur compotier, leur verre d’absinthe, leur femme démontable et, surtout, leur palette : la typique grisaille des murs de Paris. 1912 est le moment le plus parisien de la peinture, moment qui ne sera jamais plus retrouvé quelque importante soit, d’ailleurs, la signification de Paris dans les arts du monde. Il faut faire l’ascension des tours de Notre-Dame pour comprendre 1912: le Paris qui s’étend à vos pieds, cet immense camaïeu gris, solide, discret, homo-gène, c’est des Braque et des Picasso de 1912 à la pelle. L’île Saint-Louis est un tableau cubiste, le quartier latin c’est trois ou quatre tableaux cubistes se chevauchant, les blocs de maisons du quartier de la Cité sont un autre tableau cubiste. Et le quartier de l’Hôtel-de-Ville est un tableau cubiste. Et la petite flèche de Notre-Dame avec la Seine dans le fond et les ponts et les quais est un tableau de Delaunay (avec un arc-en-ciel en plus). Et le gril rectiligne de l’Hôtel-Dieu, là, juste en bas, au pied de la cathédrale, est un tablehu post-cubiste de Mondrian, de 1914 si la journée est ensoleillée, de 1919 si le temps est couvert. Le cubisme, cela n’est pas seulement une logique réaction contre l’exaltation des Fauves (« J’aime la règle qui corrige l’émotion », dira Braque), ni l’appli-cation systématique du propos de Cézanne dans sa fameuse lettre_„a Emile Bernard (« Traiter la nature par le cylindre, la sphère, le cône »), -te’VW encore c’est surtout Paris mis à nu. Paris dépouillé de ses arbres, de ses filles, de tout soleil illusionniste, Paris réduit à sa substance éssentielle, à sa virilité : les os avec la moelle dedans. Depuis la naissance de l’impressionnisme, le rôle de Paris n’avait fait que grandir dans le commerce mondial des arts. C’est en lui que tous les grands mouvements modernes se confrontent, terrain idéal pour les luttes intellectuelles où tout le monde est vainqueur, nef indolente qui flotte sur l’air du temps accueillant tout ce qui passe, théâtre incomparable enfin pour la montre des nouveautés dans un climat qui ne connaît pas d’extrêmes. 1912 est le sommet d’une évolution qui commence en 1874. Mais les choses n’ont pas dû paraître aussi simples à Mondrian quand il débarquait à Paris. Sa première impression a sans doute été celle d’un immense désordre ou, tout au moins, d’un entassement hétéroclite de mouvements divers sollicitant du spectateur une quasi impossible gymnastique de l’esprit. Regardons de plus près ce qui se passe. Le cubisme a atteint son plein développement. Léger, Gleizes, Metzinger, Marcoussis, Villon, d’autres encore, se sont joints depuis un an au mouvement lancé par Braque et Picasso dont certaines oeuvres annoncent déjà le cubisme synthétique. Naissance des premiers papiers collés. En février, Severini organise la première exposition de peinture futuriste chez Bernheim jeune. Aux Indé-pendants, Delaunay expose ses Fenêtres simultanées, réaction lyrique contre le cubisme volontairement terne des quatre dernières années. Gleizes et Metzinger publient Du Cubisme, premier ouvrage consacré au mouvement (Les peintres cubistes, de Guillaume Apollinaire, ne paraîtront que l’année suivante). Daniel Henri Kahnweiler, jeune marchand d’art venu d’Allemagne en 1907, protège les cubistes et expose en permanence les oeuvres récentes de Braque et Picasso dans sa petite galerie, 28, rue Vignon, derrière la Madeleine. Le groupe de la Section d’Or est formé dans le studio de Jacques Villon. Il donne sa première exposition en octobre avec Juan Gris, Gleizes, Metzinger, Léger, Delaunay, Marcel Duchamp, Picabia, Lhote, Jacques Villon, La Fresnaye, Marcoussis, etc. Le cubisme triomphe et certaines toiles de Picasso, déjà célèbre, atteignent 4.000 francs. N’oublions pas qu’en même temps le souvenir des Fauves persiste, que l’Expressionnisme fait son apparition, que les post-impressionnistes n’ont pas dit leur dernier mot. Sans parler de la foule des inclassables, des célébrités d’un mois. De tout ce tohu-bohu de recherches, de mouvements superposés, d’influences nègres, de révolutions et de contre-révolutions, d’exaltation de la couleur et de tuile dans la grisaille austère, Mondrian ne retiendra qu’une seule chose : l’ordre, le besoin d’ordre sous-entendu dans cette effervescence. C’est pourquoi le cubisme l’attire tout de suite, voyant ce qu’il contient en germe ; c’est pourquoi, pendant les deux et sept mois qu’il passera à Paris (de fin décembre 1911 à juillet 1914), c’est le cubisme de la rive droite, celui de Braque et de Picasso, qu’il suivra de plus près, s’intéressant beaucoup moins au cubisme coloriste de Léger et de Delaunay, qui cependant sont ses voisins de la rive gauche. La rencontre du cubisme et de Paris semble avoir cristallisé ses plus profondes aspirations : dorénavant tout sera ordre, discipline, sobriété. Mais il ne faut pas qu’il aille plus vite que son rythme, pas à pas il franchira la distance qui le sépare encore du mouvement parisien, mais aussi, sans se presser, il le dépassera, lisant mieux dans les oeuvres de Braque et de Picasso qu’eux-mêmes, allant jusqu’au bout de leurs idées inexprimées, consignant en claire logique tout l’enseignement du cubisme au moment même où les grands peintres cubistes s’arrêtent ou rétrogradent. Il est de dix ans leur aîné, et cette maturité se sent lorsque, en 1913, Mondrian adopte leur technique. Avec une sérénité et une ampleur d’inspiration qu’on n’avait pas encore vues à ce jour, jointes à tant de finesse, le cubisme abstrait est né, et du même coup (en ces oeuvres de Mondrian de 1913 et 1914) le mouvement français atteint un sommet inattendu. Si bien que dans cet admirable concert du cubisme c’est lui peut-être, le moins brillant de tous, que l’on entendra le plus clairement dans les temps futurs. Déjà. Lorsqu’il arrive à Paris, Mondrian est près d’avoir quarante ans. Ce qu’il a derrière lui est plus qu’il n’en faut pour le préparer au choc électrique et tirer des grands mouvements de l’heure l’essentiel de leur message, le suc de la nouveauté. « La vie commence à quarante ans », a dit Carnegie. Le prologue terminé, le rideau se lève sur une pièce en cinq actes d’inégale longueur : Paris, Hollande, Paris, Londres, New-York. L’on peut dire que c’est à Paris, en 1912, au moment même où il change l’orthographe de son nom, que commence la vie du grand peintre. Et si les oeuvres des époques qui précèdent ont à nos yeux une valeur considérable, c’est parce que l’un des plus purs créateurs du vingtième siècle est né de cette gestation mise en contact avec l’air de Paris. L’analyse des oeuvres montre que Mondrian prend part presque aussitôt au mouvement cubiste, bien que d’une manière d’abord assez timide. Il lui faudra plusieurs mois de travail pour conquérir l’espace qui le portera, en 1913, à l’extrême pointe de l’avant-garde. Il est probable que le point de départ doit être cherché dans la première version de la Nature morte avec pot de gingembre I et dans quatre toiles assez sombres de la collection Slijper. Puis il reprend les arbres de Zélande, les organisant rythmiquement, simplifiant sa palette. Il reprend aussi, usant de la même méthode, la Nature morte avec pot de gingembre. Chez Picasso et Braque le cubisme synthétique s’amorce décidément : les oeuvres ont moins de relief que celles des années précédentes, elles tendent beaucoup plus à épouser la surface plane de la toile et sont ainsi plus proches de l’abstraction. Mondrian saisira parfaitement la leçon de cette simplification constructive et poussera bientôt le cubisme, plutôt son cubisme à lui, jusqu’à l’abstraction complète. Plus tard, on le sait, la division de la surface deviendra, pour lui, le seul objet de la peinture. M. S. LEPPIEN Disegni. Editions Galleria del Flore, Milan. Jean Leppien publie à Milan un album de fac-similés de dessins s’étalant sur l’espace de cinq années. Cette sélection de dix dessins est donc très rigou-reuse et ne nous livre vraiment que la fleur ; aussi constitue-t-elle un bouquet graphique de haut goût et d’une parfaite unité. Pas de fond, le trait dans son excellence. Des courbes fines, à peine accusées balafrent en général, à deux ou trois, la feuille. Sur ces structures minima si légères, des motifs naissent, feuilles et fleurs abstraites. Ce sont des polygones volants qu’emplissent stries, quadrillages à peine esquissés et le point d’orgue d’un trait, court et large. Une seule des planches, sans lignes de structure, est occupée par des motifs plus importants, qui se suffisent à eux-mêmes et sont une indication des formes en général quadrangles dont le peintre peuple à présent ses tableaux. Deux de ceux-ci font partie de l’Exposition itinérante inaugurée au Musée de Rouen le 23 mars de cette année. Dans l’un d’eux les cadres en question semblaient moins heureux, parce que surchargés et moins strictement puristes. Ce purisme, cette sécheresse lucide, triomphent dans l’album et nous montrent le talent même de l’artiste, dont plusieurs des planches sont dignes de l’art extrême-oriental. Pierre GUEGUEN. THE ARTS IN BRAZIL, A NEW MUSEUM AT SAO-PAULO, par P.M. Bardi. 439 illustrations, dont 57 en couleurs. Editions del Milione, Milan. La fondation, en 1947, du Museu de Arte à Sao-Paulo par le Sénateur Assis Chateaubriand, propriétaire d’une chaîne de journaux au Brésil, personnage extrêmement entreprenant et avisé et brésilien authentique malgré son nom à consonance française, fut un des événements culturels les plus importants de toute l’Amérique du Sud au cours de ces dernières années. Il n’est que juste d’ajouter que si Chateaubriand put mener son action artistique à bonne fin et, s’il la poursuit encore aujourd’hui avec un rare bonheur, c’est en grande partie grâce à P.M. Bardi, Directeur du Museu de Arte, à qui il eut le bon esprit de, laisser une très sérieuse liberté d’organisation. L’ouvrage que viennent d’éditer luxueusement les éditions del Milione est un très précieux document. C’est toute la vie artistique du Brésil qu’il passe en revue, dans les régions et sous ses aspects les plus divers, de l’exotisme le plus caractérisé aux manifestations de l’art le plus actuel. On ne pouvait mieux faire pour situer l’effort considérable d’où résulte le Museu de Arte, vrai centre culturel dont le rayonnement est de première importance. Ce musée, en effet, n’abrite pas seulement une collection vaste et variée dont pourraient s’enor-gueillir maints musées d’Europe ou des Etats-Unis, mais aussi diverses espèces d’enseignement puisqu’on y initie aussi bien aux beaux-arts qu’au cinéma et à la danse ! On aurait donc le plus grand tort de s’imaginer que Sao-Paulo contribue à la diffusion de l’art par ses biennales seules, dont certes on ne saurait mini-miser l’utilité. Sao-Paulo, grâce au Museu de Arte, est devenu une vrai base de départ pour l’expansion de la culture au Brésil et, de là, dans toute l’Amérique du Sud. Léon DEGAND. Informations 2° CONCOURS DE LA CHAMBRE D’HOTEL LA PLUS RATIONNELLE 1957. Ce concours portant sur l’équipement d’une chambre d’hôtel est doté d’un prix de 150.000 fr. plus l’édition et d’un deuxième prix de 75.000 francs. Date limite de remise des projets : 2 juillet 1957. Pour tous renseignements s’adresser à la F.N.I.H., 22, rue d’Anjou, Paris (8°). HABITATION SPATIODYNAMIQUE A CLOISONS INVISIBLES Nicolas Schoffer, plasticien. Cette habitation, qui sera présentée au Salon International 1957 des Travaux Publics et du Bâtiment, est divisée en deux zones : chaude (température de 35°. lumière rouge, sons électro-acoustiques graves) et tempérée (18°, lumière bleue, silence absolu traversé par des ultra-sons). Cette réalisation s’inscrit dans la série des recherches spatiodynamiques entre-prises par Nicolas Schoffer. Il espère pouvoir démontrer ainsi que les possibilités dynamiques de l’espace peuvent être explorées et utilisés aussi bien sur le plan purement esthétique que dans le domaine fonctionnel et architectural. GRAPHIC 57. Du 1 er au 16 juin 1957 aura lieu à Lausanne une Exposition Internationale des Industries Graphiques. Elle groupera sous le titre « Graphic 57 » une vaste présentation des réalisations techniques les plus récentes dans ce domaine. Tous renseignements à Graphic 57, Comptoir Suisse, Lausanne. INDUSTRIES ET METIERS D’ART, NAMUR. Du 15 au 30 juin, dans le cadre de l’Exposition Officielle de Namur, se tiendra une Exposition Internationale consacrée aux métiers et artisanats d’art. Elle présentera un ensemble de productions des principaux pays européens. Cette réalisation, tout en permettant au grand public de prendre contact avec d formes artistiques diverses et spécialement adaptées à la deco int’,r;za’ complétera et illustrera les idées échangées pendant les jour’ d’e•udi auront lieu les 19, 20 et 21 juin. Directeur Gérant André Bloc Imprimé en France S.P.I. 27 ru AIT, DOC