Nous eûmes le new-look et toutes les robes en moururent, même celles qui avaient tin ourlet. Le new-look cependant ne vécut pas. Il alourdissait les femmes de ses immenses jupes non accordées à l’air de leur temps. Il influença cepen-dant la mode de toutes les saisons qui le suivirent. Buste étroitement corseté, gorge menue mais offerte, taille fine fut la règle inflexible. La jupe variait son ampleur, sa longueur, jouait du drapé, du pli, du coquillé. Nos petites filles se souviendront sans doute de cette grand’mère étroitement enchâssée du haut mais aux jambes désinvoltes, elle-même la jeune sœur de la curieuse cacom à veste trop longue et jupe trop courte. Mais nous voici parvenus à un point où le virage amorcé depuis plusieurs saisons semble terminer la transition pour nous amener à un nouveau style. s Sirène, Émancipée, Profilée, Taille-douce, Ligne réelle, Souplesse, Féline, Vagabond, Balancée s, tels sont les noms donnés par les couturiers à la ligne de l’hiver 1952-53. Retenons celui de Vagabonds dont la nonchalance exprime bien l’apparent laisser-aller d’une vêture cependant extrêmement étudiée. Un swaetcr de jersey enserre les hanches, mais à la taille il s’infléchit car sous les lignes molles du tissu, la femme se cambre et se laisse deviner. Aprèsavoir tout montré, tout offert, la femme retrouve les grâces du secret que depuis longtemps elle avait oubliées. Je n’en veux pour preuves que ce chandail noir pour sa robe du matin et aussi, pour sa robe de dîner, de préférence au bustier sans épaules dont la ligne dure et droite barre son torse, ce décolleté en coeur ou en bateau accroché au bord d’une épaule nue. Tout l’art consiste à laisser entendre que, construite à la diable, la robe pourrait bien tomber. Mais vous pouvez vous damner sans espoir, R léger mancheron ne glissera pas plus qu’il ne doit. Est-ce la mode qui évolue ou, de vingt ans en vingt ans, une fille qui toujours en sait plus long que sa mère ?