VOICI LA FEMME DE 1953 Il est bien difficile, lorsqu’on se penche sur son époque, de déceler si la silhouette de l’année sera la silhouette type, celle qui restera gravée dans les mémoires, celle qui, à l’évocation de son nom fera jaillir des plis de sa jupe une époque toute entière, ou si elle sombrera dans l’oubli, au pays des robes mortes. Elles sont au demeurant peu nombreuses, dans cette succession de modes mouvantes, capricantes et toujours fugitives, celles dont le fantôme demeure dans les esprits et dans les images. C’est à croire qu’entre la marquise à paniers, la merveilleuse, la Louis Philipparde, la porteuse de crinoline, la mondaine à tournure du Bazar de la Charité, et enfin l’élégante empanachée de 190o, il n’y a rien eu ou presque. Sans être aussi fugace qu’aujourd’hui, la mode évoluait pourtant de saison en saison mais dans ces époques plus stables, que la nôtre, le détail avait son prix et l’importance d’un ruban était telle que toute une ville de France et non dm moindres, pouvait vivre de cette importance. Pour nous, femmes du XXe siècle, le début de notre style, le règne de la maigre, se trouve en 1918,moment où d’une femme on est passé à l’autre, où la gommeuse de Toulouse-Lautrec a fait place à la garçonne de Van Dongen. Après cette révolution dont les victimes furent les cheveux, les seins et la taille, coupés, escamotés ou supprimée la mode s’assagit et de 1930 à 1940 connut une époque de relative stabilité. Nous retrouvons en pleine guerre une drôle de petite bonne femme, qui porte veste longue, jupe courte, hautes semelles compenes faite des matières les plus inattendues et coifféeséd’un immense chapeau enturbanné, seule élégance visible dans le métro, lui-même seul moyen de transport. L’après-guerre voulut comme toute période où la liberté fait suite à la restriction, user libéralement de ce qui avait été interdit. On plissa, on drapa, on fronça. On se remit également à fabriquer des gaines et des soutien-gorge. Les femmes décou-vrirent alors qu’elles avaient une taille, qu’il était gracieux de la cercler au plus près, que leur gorge se casait agréablement dans un balconnet et comme il est constant que les filles renient leur mère, déclarèrent 1925 l’époque la plus laide qui se puisse voir dans les annales de la mode. Dans ce style hésitant mais aux jupes relativement courtes et étroites, chacun tirait un peu à hue et à dia, lorsqu’un couturier inconnu fit son apparition. Son commanditaire van mis à leur contrat une condition. Pour répondre à celle-ci le choix des moyens était laissé au créateur, la mission cependant était impérieuse : démoder radicalement les lignes du jour, allonger et amplifier les jupes demanière à faire dégringoler à l’éventaire des soldes forains toutes les robes suspendues dans les rayons de toutes les villes où les femmes s’habillent à l’européenne de Chicago à Paris et de New-York à Melbourne. FIND ART DO C,;