Les hauts lieux de la Statuaire moderne et, pourquoi le céler de la sculpture tout court, sont les deux ateliers où Constantin Brancusi travaille au fond d’une rue villageoise en plein cCeur de Paris. Un rideau d’arbres abrite les maisons basses et intercepte les bruits de la cité. Guide béné-vole, un enfant misérable conduit le visiteur qu’annonce la voix d’un gong. Brancusi ouvre la porte de sa demeure. je ne l’avais pas vu depuis trente ans. Sa barbe a blanchi. Soniage ne s’est pas modifié. Son regard n’est pas moins radieux qu’il l’était autre-fois. Celui que l’on appelle le Père de la Sculpture, com on dit le me Père de la Patrie, évoque une antique divinité fluviale. Dans son atelier quiest son sanctuaire, Brancusi, cet erm, évolue parmi des blocs de pierres.ite Ces minéraux sont faits à l’échelle des géants. Le milieu naturel de Brancusi est une carriêre d’un blanc immaculé qu’animent d’immenses troncs d’arbres. Le cadre de ce chantier où œuvre un artisan génial révèle ce sens de 1’h,œ,1 sens du sacré qui est probablement la facultémaîtresse de Constantin Brancusi. Des »es bronzes éclatants comme des gemmes le constellent. Ils sont précis et fins. Ils vibrent et frémissent comme des êtres. Brancusi parle de sa voix douce. Il s’exprime quelquefois par para-boles. Il égrène des souvenirs et raconte comment il a construit à l’École .des Arts de Bucarest un écorché qui fit l’admiration de tous les professeurs et qui, aujour-d’hui encore, sert de modèle à l’étude de la structure des corps. Cet inquiétant chef-d’oeuvre d’anatomie est une des lettres de noblesse de Brancusi qui en tire un orgueil légitime… Les ouvrages de sculpture qu’il nous est donné de contempler sont des objets uniques. Ces produits de l’homme, qui, lui-même, est une valeur unique, échappent à la loi d’airain de la série. Brancusi, praticien épris de perfection, affronte l’épreuve de la durée. Les années se succèdent. Il travaille avec la même lenteur. Il dresse dans l’espace des figures féminines, des bêtes, des oiseaux, des poissons et des architectures qui sont des formes pures auxquelles il infiltre un élixir de vie et qu’il dote de propriétés magiques. Ses statues qui incarnent les formes de la nature sont autant de dieux lares qui veillent sur son dessin, de génies bienfaisants ou de mâts totémiques. Chaque statue est un symbole plastique et une image transcrite en chiffres clairs. Le Chant du Coq retentit avant l’aube. La Tortue rampe sous sa carapace ; elle communique des sensations physiques de mouve-ment et d’effort. Le Poisson, lame d’acier, fend des vagues invisibles. L’Oiseau s’élève dans l’air comme une fusée. Un miroir d’eau d’un éclat cristallin, disque ou bien plaque tournante, recue ille le double de la femme cygne, Léda. Mais cette Colonne n’exprime que l’infini. Ce monument de Bouddha signifie ce qui n’a ni commence-ment, ni fin… Brancusi qui domine son époque, refuse d’être broyé par la machine aveugle. A ce mal qu’est la substi-tution de l’abstrait au concret (dont parle son compatriote Georgiu), il oppose son contact immédiat avec les matériaux. Son sentiment cosmique et son amour des choses s’opposent sur toute la ligne au matérialisme d’un univers sans âme. Toute son œuvre est un gage de sa secrète vocation da divin. En Roumanie Brancusi a élevé un temple une table de sacri-fice, qui n’est peut-être qu’un attribut solaire érigé au milieu d’une clairière, une tour dont le faite se perd dans les nuages et un arc triomphal. Ce paysan lettré, dont le mes-sage demeure issible et nuansrni dont la vraie grandeur est faite de solitude adhère au sol et marche en s’appuyant sur un lourd bâton de pèlerin taillé à coups de serpe, comme le sont ses idoles. Ses marbres ont la beauté austère et primordiale des armes et des outils polis par les hommes de la pré-histoire. Chacune de ses ceuvres représente des années de labeur continu et ininterrompu.  » Les conditions requises pour permettre à la sculpture de vivre — me dit en guise d’adieu Brancusi —sont au nombre de i tro Il faut un dieu pour créer des oeuvres, un grand roi pour les commander, et des esclaves pour les exécuter. » WALDEMAR FIND ART DOC