20 Par la richesse de ses combinaisons, le jeu d’échecs a—t—il vraiment sur ses rivaux la supériorité qu’on lui prête ? La question sort de notre compétence. Mais on est bien tenté de soutenir qu’il surpasse tous les autres par l’habituelle qualité, l’étonnante variété de ses éléments plastiques. On pourrait écrire une sorte d’iconographie du jeu d’échecs et qui remonterait jusqu’à la nuit des temps, car on a retrouvé chez les Égyptiens et chez les Hellènes des traces d’un jeu qui lui ressemblait, bien que son nom lui prêtat un caractère médiocrement relevé : « ludus latrunculorum », le jeu des petits voleurs. Le jeu d’échecs, lui, fut tout de suite un jeu de cour. Si l’on en croit la légende, c’est un prince de l’Inde, son pays d’origine, qui en fit cadeau à un prince de la Perse d’où il se répandit à travers le monde. C’est d’ailleurs, semble—t—il, à ces origines royales qu’il doit ses dehors somptueux, son côté spectaculaire. Il évoqua de bonne heure la guerre en grand équi—page ou des manières de tournois. On raconte que les souverains hindous donnaient des fêtes équestres où les pièces du jeu étaient représentées par des personnages en chair et en os. La coutume du reste passa en Europe. Les plus jolies femmes, dit—on, de la cour impériale figurèrent dans un ballet ou un quadrille d’échecs qui fut dansé, un mardi gras, devant Napoléon I. Par là du moins s’ex—pliquent assez bien et l’aspect précieux et les raffinements d’art que revêtit le jeu dès son apparition. Le Cabinet des Médailles à la Biblio—thèque Nationale, possède un des plus anciens documents connus : un roi (ou une tour) ayant fait partie d’un jeu que l’abbaye de Saint — Denis conserva tout entier, jusqu’à la Révolution et qui, géné—ralement considéré comme offert à Charlemagne par Haroun — al — Rachid, paraît bien en tout cas avoir une origine mésopotanienne du temps des Abbassides. C’est une figurine de belle allure, de solide équilibre. Sur un éléphant d’ivoire caparaçonné, que cernent de petits cavaliers en bas reliefs, s’érige un haut seigneur qui mène la bataille. Dans la même collection, un jeu plus complet, proba—blement postérieur à celui—ci de deux ou trois siècles, groupe des guerriers à l’aspect plus rude mais non moins adroitement représentés dans l’ivoire eux aussi. Le jeu d’échecs eut d’ailleurs ‘une PIÈCES DE JEUX D’ÉCHECS EN IVOIRE DU HAUT MOYEN AGE MUSÉE DU LOUVRE vogue considérable dès le haut moyen âge. Des épisodes, des scènes inspirées de lui servaient de sujet aux artisans de l’époque pour décorer des couvercles de boîtes, des revers de miroirs. Il eut une place importante dans les tournois de chevalerie où les parties se terminaient souvent par des batailles entre perdants et gagnants. Les auteurs s’étendent à plaisir sur la beauté des pièces, rehaussées de pierres précieuses. Assez tôt cependant se manifeste une tendance à la stylisation. On peut voir au Musée du Louvre, dans la Galerie d’Apollon, un jeu en cristal de roche que l’on a dit long—temps avoir appartenu à Saint Louis, mais qui est en réalité du XVe siècle. Les pièces aux volumes très simplifiés, n’offrent plus que peu d’allusion à la nature. Le roi est désigné par une couronne ; le cavalier par une tête de cheval fort schématique. Les pions sont réduits à de petites pyramides. On voit poindre les formes qui deviendront traditionnelles dans les jeux courants en ivoire ou en bois tournés. Qu’on se rassure toutefois. La fan—taisie est loin d’être définitivement exclue. Après une courte période de A LA PAGE SUIVANTE ( ES DE JEUX D’ÉCHECS CONTEMPORAINS, EN HAUT ; DE GIACOMETTI, TERRE CUITE ROUGE ET NOIRE ; EN BAS : DE PIERRETTE GARGALLO, EN BRONZE DORÉ E