l’oeuvre un système de synthèse (valeurs symboliques plus ou moins animées dans une ambiance expres-sive), c’est-à-dire un style. Les sources de cette évolution sont multiples et d’ordres très différents. Réaction contre le théâtre libre d’Antoine, création du théâtre d’art de Paul Fort, donc intervention des poètes, puis des peintres dans les recherches de Rouché, influence des Ballets Russes, suivie de celle des grands animateurs étrangers (Gordon Craig, Reinhardt puis Piscator, Meyerhold et Stanislawsky), d’autre part perfectionnement des moyens techniques de machinerie et utili-sation, de plus en plus subtilement importante, de l’électricité dans les jeux de lumière, enfin la place prise par le cinéma qui a adopté, en leur insufflant un sang nouveau, dont ils avaient bien besoin, la comédie d’analyse psychologique du Boulevard et la pièce d’aventure à grand spectacle du Châtelet. En quelque sorte, comme la photographie a libéré la peinture de la sujétion de l’anecdote représentative, le cinéma a libéré le théâtre du vérisme. Il lui a racheté son stock de décors conventionnellement réalistes et de situations empruntées à la vie courante. Et du même coup le théâtre a retrouvé avec les Copeau, Dullin, Jouvet, Pitoëff, Baty, Barsacq, Barrault, Ducreux et quelques autres encore, son sens magiquement poétique, son mystère merveil-leux, sa vérité faite d’irréalisme, d’arbitraire, de fantaisie, voire d’ana-chronismes. Ainsi donc le metteur en scène de théâtre, ingénieusement pauvre ou intelligemment « aisé », règne, co-auteur ou presque, à l’instar du metteur en scène de cinéma. Est-ce un bien, est-ce un mal ? La place qui nous est impartie ici n’est point celle qui permet de poser les questions de principe et de nous demander à quoi le théâtre appar-tient le plus, selon qu’on considère son fond ou sa forme, sa nature originelle ou sa révélation publique. Est-ce à la bibliothèque, est-ce à la scène ? La discussion est loin d’être close à ce sujet. Mais un fait est là. Le théâtre contemporain a pris une certaine forme dont les expressions diverses peuvent satisfaire aussi bien les élites que le peuple et dont le caractère tend à devenir de plus en plus universel. A l’intérieur de cette conception richement essentielle, et essentiellement riche, des tendances s’affrontent, des recherches se poursuivent, cependant qu’à côté de réussites incontestables et de trouvailles séduisantes, on constate des exagérations nées d’abus de pouvoir et erreurs dues à l’igno-rance et au mauvais goût. C’est tout cela qu’il importe de considérer, parce que nous sommes de notre temps et, aussi, disons le, parce que nous avons là-dessus quelques opinions personnelles préalables, dont les principes se dégageront espérons-le à la lumière des exemples fournis par les surgis-sements de l’actualité. En matière d’esthétique vivante les théories ainsi exposées perdent peut-être en logique, jamais en force. Les derniers spectacles de la saison d’été nous ont valu une tentative originale dont on n’a peut-être pas assez souligné l’intérêt. Il s’agissait de décors composés d’éléments de photos prises par Brassaï et agrandies à grande échelle. Ceci pour un ballet. C’est-à-dire que la discipline de l’authenticité servait de cadre à ce que la scène peut offrir de plus libre dans l’évasion poétique. Il est vrai que ce ballet, appelé Rendez-vous, était de ce style romantico-réaliste dont le chef-d’oeuvre demeure l’Opéra de 4 sous et que son jeu se déroulait la nuit. Sous la lueur blafarde des projecteurs bleus ou verts, cette entrée de bal musette, ces longs murs gris, ce dessous de pont, tout ce noir et blanc fonda-mental de paysage de minuit reprenaient leur entière valeur d’angoisse mystérieuse. D’étranges reliefs surgissaient sur la pierre prise par le jour frisant des réverbères, d’énormes trous noirs étaient hallucinants. Mille souvenirs de noctambulisme ressaisissaient pour ainsi dire le spectateur à la gorge. Certes le problème de l’accord d’un tel fond avec la tonalité des costumes — ici parfaitement résolu par des étoffes en grisailles délavées misérablement, et à peine teintées — n’était possible que dans un effet nocturne, et eut été irréalisable, par exemple, dans la représentation d’une scène champêtre en plein midi d’été. Il n’en reste pas moins vrai que cet essai, aux applications sans doute restreintes, mais trouvant notre sensibilité déjà accoutumée aux valeurs de ce genre par CATHERINE la vision cinématographique, est à retenir. Je ne suis pas allé à l’Aiglon sans une certaine appréhension, me demandant comment un décorateur comme Douking appliquerait son talent aux nécessités de la mise en scène d’une « grande machine » comme la pièce de Rostand qui est bien aux antipodes de Jeanne avec nous. Il fallait rester dans la tradition et Douking a entendu y demeurer en sachant toutefois simplifier et supprimer tous détails du genre c Il a procédé par grandes masses, solidement équilibrées, laissant à ses « traduc LE PRIEUR LE DUC 64 FIND ART, DOC