ADIEU A JEAN-MICHEL FRANK Dans cette époque où le style de l’uniprix a fait des ravages, où toute mesure est une demi-mesure, où la moindre audace prendrait figure de crime, avec quelle tendresse grave on regarde les objets et les décors de jean-Michel Frank. Car, pour notre ami, le luxe c’était la simplicité. La simplicité lui dictait les lignes et les matières de son luxe. Il aimait l’invisible de la véritable élégance et tout ce qui sautait à l’oeil lui semblait odieux. Même s’il faisait appel à des peintres, à des sculpteurs, il les choisissait de telle sorte qu’ils s’effaraient d’eux-mêmes et colla-boraient à l’ensemble sans prendre la vedette. Le cuir, la paille, le parchemin; le marbre, les bois précieux, le bro;ne, le cuivre et le pla’tre irréel si galvaudé depuis, venaient se mettre aux ordres de ce géomètre lyrique. Aucune frivolité dans son travail. La sottise d’une forme, la vulgarité _ d’une étoffe, l’ou-trecuidance d’une couleur le mettaient en fuite. Il nous le racontait comme il nous arrive d’imiter les messieurs et daines qui croient devoir psalmodier les  » textes poé-tiques à la radio. Sans doute a-t-il sauté hors de cette époque parce qu’il la trouvait inhabitable et qu’il en prévoyait l’informe. Sa mort nous fit le prologue du drame, le rideau rouge descendit entre un monde de lumière et un monde de nuit. FIND ART, DOC