inédiocre qui résiste mal au climat humide de son pays. Dans les arts mineurs — mobilier, orfèvre-rie — il arrive à plaire moins par le mélange des matériaux et l’ornementation que par le travail des formes et la finesse des lignes. Il s’adresse surtout au collectionneur. Si l’on a bien suivi cet exposé, fait forcément à grands traits, on reconnaîtra que, seul entre les autres, le génie français a su offrir, d’une façon presque permanente à tous les âges, des types universels. Il faut attribuer ce rôle à un esprit de recherche toujours en éveil et tempéré cependant par le sens de la mesure. L’abeille s’enivre puis revient à ses alvéoles. Notre hardiesse est freinée aussi par une science technique qui transmet des procédés sûrs. Chez nous le beau métier ne connaît que la belle matière. Pour le constater de-nos jours, il suffit de voir de quelle manière méprisante le plus humble ébéniste de campagne jugera l’objet fabriqué avec des moyens médiocres. On peut penser enfin que cette universalité est due à un désir, constant chez nous — ne le retrouve-t-on pas dans d’autres domaines ? — de comprendre l’humanité, d’étudier ses besoins, de favoriser ses aspirations, en un mot de communier avec elle. L’école française dans les lettres, Montaigne en tête, se caractérisait assez bien par l’expression d’humanisme vivant, si l’on entend par là un ensemble de points d’appui pour la condition humaine aussi bien que pour la tradition humaine. Or, notre art s’inspire des mêmes tendances et des mêmes voeux. Il s’efforce de maintenir le passé tout en donnant le goût de la vie présente. Il s’agit pour lui de convier les hommes, tous les hommes, devant de beaux décors, à de grands spectacles. Ce n’est pas tant par ostentation que Versailles s’étale, mais pour projeter au loin le rayonnement d’un certain esprit, celui du siècle. L’Italie eut aussi ces intentions, mais elles participent de la liesse populaire, elles se rattachent aux circenses antiques, à la commedia dell acte. Tandis que ce que l’art français entend instituer et répandre, c’est l’ordonnance, c’est le cadre digne des chefs-d’oeuvre. Au cours des âges, rien ne l’abat, rien ne ralentit sa tâche. Les vicissitudes, les destructions mêmes, provoquent, animent le génie de la France. Il s’affirme par contradiction. A la mort de Louis XIV, que reste-t-il dans un pays abattu, affamé, ruiné ? Il reste une petite flamme entêtée, insouciante, qui va revivre dans les ornements les plus légers, les plus souriants, que l’artisan français ait jamais conçus. Plus tard, on verra cette chose renversante : Paris, trois saisons après 93, sous le Directoire, lancer une mode et créer un style. Tout enrichit, tout stimule l’industrie de nos artistes. Une expédition victorieuse est un moyen de surprendre des motifs neufs, de rapporter des têtes de sphinx et des serpents. Un changement de régime est un prétexte pour rénover les formes et sculpter la physionomie de l’époque. C’est au solide acajou de la Monarchie de juillet que je pense. Alors, quand on songe à ce souffle intérieur qui s’exprime sous des formes et des couleurs changeantes, mais qui a résisté à tout au cours des siècles ; quand on revoit les grandes figures de notre histoire, les émaux de Limoges et les porcelaines de Sèvres, les brocards de Lyon et les tapis-series des Gobelins, les bois sculptés et les pierres ciselées qui naquirent un peu partout dans la province française… comment croire les Cassandres qui proclament notre décadence. Les moeurs peuvent changer, l’esprit évoluer, l’homme de notre sol sera toujours hanté par cette gloire. Son imagination le veut. Et il n’y a pas de misère, il n’y a pas de volonté mauvaise, qui l’empêcheront de se créer cette espèce de vie seconde qui suffit à tout : l’art. ESPRIT GÉOMÉTRIQUE ET ESPRIT DE FINESSE… CETTE VUE AÉRIENNE DU CHATEAU,DE CHAMPS ET DE SES JARDINS DDNP E LA MESURE DU GOUT ET DU GÉNIE FRAWAi